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Billet de blog 23 février 2015

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Zonage des vacances: l'éternel retour?

La semaine prochaine vont avoir lieu des concertations organisées par le ministère de l'Education nationale sur la place dans l'année des vacances scolaires, en raison notamment des modifications territoriales des régions. Le ministre des Affaires étrangères et du Tourisme Laurent Fabius en profite pour relayer une demande récurrente du lobby des stations de ski qui demande que soient avancées d'une semaine les vacances de printemps.

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La semaine prochaine vont avoir lieu des concertations organisées par le ministère de l'Education nationale sur la place dans l'année des vacances scolaires, en raison notamment des modifications territoriales des régions. Le ministre des Affaires étrangères et du Tourisme Laurent Fabius en profite pour relayer une demande récurrente du lobby des stations de ski qui demande que soient avancées d'une semaine les vacances de printemps.

Retour en arrière. Aucun doute n’est permis, les années post-soixante-huitardes sont celles de la mise en place du zonage généralisé. Dès 1968, le zonage géographique des congés de la mi-février est mis en place : deux zones décalées d’une semaine, chaque congé n’ayant qu’une durée de 9 jours. On passe à trois zones en 1972, à la suite des demandes insistantes des professionnels du tourisme d'hiver, ce qui accentue le déséquilibre de la périodisation du temps scolaire. Puis le zonage des vacances de printemps (d’une durée de deux semaines) est établi en 1977 : deux zones décalées d’une semaine. Enfin, le 8 mars 1979, le ministre de l’Education nationale Christian Beullac (ancien ministre du Travail et dirigeant des usines Renault durant plus de vingtans) annonce que les dates des grandes vacances seront elles aussi variables d’une zone à l’autre, et que le nombre de zones passera de trois à cinq. Les départs, en 1980, s’échelonnent entre le 27 juin et le 11 juillet.

Il faut attendre le début des années 80 pour que d’autres éléments soient pris en considération. On commence à réellement écouter des chrono-biologistes et des médecins pédiatres. Par ailleurs, certaines propositions du terrain apportent un éclairage nouveau et transitent par les grandes consultations mises en place par le ministre de l’Education nationale Alain Savary. On peut citer en particulier « une éducation dans l’espace et le temps », un chapitre du rapport de la consultation sur le primaire animée par Jean-Marc Favret.

Cela se traduit finalement par un grand changement dans le calendrier scolaire de l’année 1986-1987 décidé après consultation par le ministre de l’Education nationale Jean-Pierre Chevènement. La rentrée est fixée au 3 septembre ; les vacances de la Toussaint du 25 octobre au 6 novembre ; les vacances d’hiver (2 zones) du 14 février au 2 mars ou du 21 février au 9 mars ; les vacances de printemps (2 zones) du 11 avril au 27 avril ou du 18 avril au 4 mai ; les vacances d'été du 30 juin au 3 septembre. Ce « calendrier presque trop parfait » selon certains ne durera qu’un an ( le ministre suivant, René Monory, venant de l’Industrie et du Commerce, et ayant d’autres priorités ).

Quelques années plus tard, nouvelle passe d’arme significative (et récurrente). Les retours de vacances d’hiver sont difficiles le samedi 16 février 1991. De la neige ; des bouchons ; des mécontents. Le Premier ministre Michel Rocard se prononce publiquement pour un retour aux trois zones, allant même jusqu’à suggérer que l’on pourrait étaler à nouveau les vacances d’été. Les lobbies s’engouffrent dans la brèche. Edmond Maire (ancien secrétaire général de la CFDT) est le premier à demander un étalement des vacances beaucoup plus diversifié en sa qualité de président de l’association Villages Vacances Familles (VVF) et de vice-président de la section des affaires sociales du Conseil national du tourisme.

Le ministère de l’Education nationale rend public le 13 mars 1991 un projet d’arrêté visant à modifier le calendrier scolaire triennal qui avait pourtant été adopté à l’unanimité des 62 membres du Conseil supérieur de l’éducation en juin 1989. Le directeur de cabinet de Lionel Jospin, Olivier Schrameck, indique qu’il s’agit d’un « ajustement » né d’une concertation entre le ministère de l’Education nationale et celui du Tourisme, à la demande du Premier ministre Michel Rocard. Les modifications porteront sur les congés d’hiver et de printemps pour lesquels les trois zones seront rétablies. Pour manifester leur désapprobation, 56 des 62 membres du Conseil supérieur de l’éducation (qui n’ont qu’un rôle consultatif) quitteront la salle au moment du vote, le 28 mars.

Edmond Maire n’est pourtant pas pour autant pleinement satisfait. Il se félicite certes du retour aux trois zones des vacances d’hiver et de printemps, mais il juge « incompréhensible » que le gouvernement n’ait pas décidé d’amorcer également un étalement des vacances d’été. « Il n’estpas possible, conclut-il,de laisser de côté les professionnels des transports et du tourisme. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : concilier réellement les intérêts des enfants à l’école, ceux des enfants en vacances et ceux de la société ».

Tout est dit. Et on attend la fin de l’Histoire...

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