Violences conjugales dans le Gard et l'Hérault : "Le féminicide n’est que la pointe de l’iceberg"

  • Les équipes des CIDFF du Gard demandent plus de moyens.
    Les équipes des CIDFF du Gard demandent plus de moyens. PHOTOS SYLVIE CAMBON ET JEAN-MICHEL MART - SYLVIE CAMBON
Publié le , mis à jour
Sophie GUIRAUD

Dans le Gard et l'Hérault, les Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) réclament plus de moyens. Immersion.

Le 20 août, à Nîmes, la femme qui se tient avec ses valises à l’entrée du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) n’est pas une inconnue. À l’accueil, Hafida El Merabety reconnaît le visage familier. Un hébergement sera trouvé en urgence. En juin, elle avait signalé un mari violent. Elle a porté plainte. Elle est revenue, une première fois. "Je lui ai expliqué ce qu’est une infraction, un délit", se souvient la directrice, Béatrice Bertrand.

Le 29 août, à Montpellier, dans l’Écusson, c’est une autre femme de 22 ans, " cultivée, intelligente ", qui pousse la porte du CIDFF de l’Hérault. " Ce n’était pas pour un problème de violence, il n’a été question que de ça. Tous types de violence ", se souvient Fleur Faure, conseillère conjugale.

Des coups ? " “Juste trois”, disait-elle. Elle commençait ses phrases par “Il me dit que”. " Ainsi va le quotidien des CIDFF, ces structures qui accompagnent et orientent les femmes via 1 400 permanences en France, avec une équipe de juristes, conseillères conjugales et familiales, psychologues, conseillers en insertion professionnelle. Une porte ouverte vers un hébergement, une action en justice, un emploi… Parfois juste un sas, avec retour au foyer. " On ne fait pas à la place, on ne juge pas ", précise Béatrice Bertrand.

Des situations complexes

"Dans la réalité de chaque action d’insertion, il y a souvent une problématique de violence conjugale", constatent Aude Sartini, conseillère en insertion professionnelle, Claire le Gal, psychologue et Fleur Faure, conseillère conjugale au CIDFF de l’Hérault.

Les situations sont plus complexes que l’image d’Épinal dans laquelle les victimes ne se reconnaissent pas, "la précarité, la drogue, l’alcool, les coups", liste Fleur Faure. "L’agresseur n’a pas une tête d’agresseur", ajoute Aude Sartini. "Le féminicide n’est que la pointe de l’iceberg. Il y a tellement de violences psychologiques, économiques", ajoute Fanny Sanchez, psychologue. Elles ne sont pas moins "graves", dévastatrices.

Chaque situation est fonction de l’état de danger réel et ressenti, de la présence ou non d’enfants, des ressources… "On avance par étapes", indiquent Audrey Pouget et Marine Amaro, juristes du CIDFF du Gard. Des femmes disent trop souvent que leur compagnon "ne les tape pas, juste des gifles de temps en temps". "Une dame me disait que son mari lui serrait le cou et lui demandait ce qu’il se passerait s’il serrait plus fort. Pour elle, ce n’était pas une violence", rapporte encore leur collègue Armelle Dupré, psychologue. Dans l’Hérault, on parle de ces femmes qui ne "se sentent pas victimes" ou minorent leur préjudice, parce qu’"il y a plus grave". De celles qui ont "l’impression d’être folles". De celles qui disent qu’on les "traîne par les cheveux, mais pas longtemps".

Des chiffres qui ne reflètent pas la réalité

Le chiffre 2018, 560 victimes accompagnées sur le département, ne reflète pas la problématique, estime le CIDFF de l’Hérault. Et au-delà : "Le chiffre des féminicides du ministère de l’Intérieur est minoré", estime Fleur Faure. Le chiffre de 101 décès en France en 2019, comptés par le collectif “Féminicides par compagnon ou ex” "paraît terrible". Pour Aude Sartini, on est "au-delà".

Dans le Gard, cet été 2019 a été brûlant : "On a fait beaucoup d’hébergements d’urgence, vu beaucoup de femmes avec des TGD". Les TGD, “téléphones grave danger” sont un dispositif de protection des victimes, sur décision du procureur de la République. Il y en a 6 dans le Gard, 12 dans l’Hérault. On leur reproche d’être sous-utilisés.

Qu’attendent-elles du Grenelle ? "Des sous", soufflent les équipes. "Pour accompagner correctement." À Montpellier, l’action “Parcours vers l’emploi” suit 70 victimes par an, "la moitié retrouve une dynamique professionnelle" mais le financement se rejoue à chaque exercice.

Dans le Gard, une formation pour les auteurs de violences, avec les parquets de Nîmes et d’Alès, a fait ses preuves pendant dix ans, le taux de récidive était "quasi nul". Elle a été stoppée en 2018, faute d’argent.

"Il faut appliquer les lois"

"On a les lois, il faut les appliquer, et changer les mentalités", insiste Béatrice Bertrand. Pour Armelle Dupré, le dépôt de plainte est trop souvent une épreuve : "Peur de ne pas être crue, de représailles, culpabilité…." "Il y a beaucoup de préjugés. Tous les prétextes sont bons pour ne pas prendre une plainte", déplore Béatrice Bertrand. Le CIDFF de l’Hérault a formé 900 policiers, médecins, éducateurs… pour "créer une culture commune". C’est aussi l’objectif de neuf réseaux interprofessionnels qui ont émergé sur cette problématique dans le département. Ils sont copiés en Seine-Saint-Denis.

Au bout, quel résultat ? D’ex-victimes "se redressent, retrouvent leur identité, tombent amoureuses". "Admirables", saluent-elles. "Aucune des femmes que nous avons suivies n’est décédée", dit Fleur Faure. Certaines avaient porté plainte, mais "ce n’est pas un accompagnement".

Dans le Gard, l’équipe n’a pas oublié Ana. "Elle s’était transformée", se souvient Béatrice Bertrand. Cette mère de deux adolescents a été tuée le 31 juillet 2018 par son ex-mari qui s’est suicidé.

Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
Anonyme173638 Il y a 4 années Le 04/09/2019 à 16:15

Une personne violente comme ça je pence est je c'est que c'est suite a son enfance est je les subi longtemps 5 ans la dernière fois y m'a massacrer des heures aujourd'hui y les en prison je pence pas qui changera si on vs mes une claque parter y recommancera y son comme ça est vs détruiront psychologique