Visiter l’exposition virtuelle "Faces of Frida" parce qu’on peut faire plein de choses de son lit !

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Visiter l’exposition virtuelle "Faces of Frida" parce qu’on peut faire plein de choses de son lit !

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Les deux Fridas (Frida Kahlo, 1939)
Les deux Fridas (Frida Kahlo, 1939)
© AFP - Luis Acosta

Culture Maison. Une exploration virtuelle et interactive de Frida Kahlo, sa vie et son œuvre, sur Google Arts, dont on peut composer le parcours soi-même, aux côtés de Perrine Kervran, productrice de La Série Documentaire, à travers mille facettes et autant d’images.

L'exposition Face of Frida est à découvrir en ligne en cliquant ici.

Chez nous, au bout de quelques jours de confinement, chacun a trouvé sa place dans l’appartement : le côté droit du canapé, le gros fauteuil, le bureau, et moi sur mon lit avec mon ordinateur. Pourtant, je n’arrive pas à travailler. Je suis paralysée par les tutoriels, culpabilisée de ne pas assez "bouger", et angoissée par tout le reste. Ce que je réussis en revanche très bien, c’est à errer sur la toile comme une sardine folle dans un bocal. Mais j’essaie à tout le moins de me souvenir des tweets et des liens qui m’ont fait aller du gâteau aux pommes sans beurre à la tuberculose, en passant par les vidéos de canards qui arpentent la cour du Louvre ou de confinés qui dansent. Inévitablement, j’ai fini par penser à ceux pour qui l’immobilité et l’enfermement a été un point de départ, voire une école. J’ai pensé à Andy Warhol, enfant malade qui découpait des photos de stars dans son lit, ou au jeune Roland Barthes, nourri par les livres de son sanatorium. Et j’ai évidemment pensé à Frida Kahlo, devenue peintre en faisant, couchée, des autoportraits grâce au chevalet aménagé sur son lit et au miroir fixé au baldaquin. C’est ainsi que je suis arrivée sur Google Arts, où je me suis perdue dans l’exposition virtuelle Faces of Frida.

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Une exposition comme une boîte de chocolats

Ça se présente un peu comme une boîte de chocolats. On trouve sur la page d’accueil des icônes sur lesquelles on peut cliquer pour accéder soit à un diaporama accompagné de textes brefs, soit à des articles de fond, soit à un tableau dans lequel on peut zoomer et circuler, ou encore à des visites virtuelles comme celle de la Casa Azul où elle a vécu – et il est assez grisant dans le contexte actuel de se transporter à Mexico. Mais on peut aussi entrer par les œuvres, par la révolution, par la correspondance, par son histoire avec Diego Rivera, par son journal intime, ses dessins ou même en allant voir qui elle a influencé.

J’ai commencé par une entrée biographique, qui permet de mesurer à quel point Frida Kahlo a su raconter son époque et l’universalité des sentiments à travers les éléments de sa vie dont elle faisait des images symbolistes et réalistes, pour les exorciser ou les fixer : ses chagrins, son communisme, ses avortements, ses amours ou ses opérations, tout y est. Dans Le bus, en 1929, elle peint des passagers sereins, comme suspendus dans le temps. Parmi eux, une jeune fille dont l’écharpe vole au vent, comme si elle voulait s’échapper, comme si le tableau était peint juste avant l’accident de 1925 qui va obliger Frida Kahlo à rester alitée, qui l’empêchera de porter un enfant, qui fera d’elle une artiste, qui forgera sa personnalité complexe et qui fera de sa vie une suite d’opérations, de convalescences et de douleurs. Mais ce tableau raconte aussi son amour du quotidien et du peuple mexicain, et dit que tout peut changer d’une seconde à l’autre.

L’invention d’une silhouette mexicaine

Dans une autre rubrique, j’ai pu explorer les objets enfermés dans la salle de bain de Frida Kahlo après sa mort en 1954, et dont Diego Rivera avait condamné l’accès. Elle a été rouverte en 2004 et on y a retrouvé le squelette de son personnage : ses vingt-cinq corsets de plâtre, de cuir ou de métal, sa prothèse, une chaussure orthopédique rouge, du fard à joue, du rouge à lèvres, des photos de famille, mais surtout ses vêtements. Les jupes longues à volants aux couleurs vibrantes qui lui permettaient de dissimuler sa jambe atrophiée, les châles dont elle s’enveloppait, les robes brodées de la région matriarcale de Tehuantepec et les tuniques à motifs, amples à la taille et ajustées aux épaules, qui dissimulaient ses corsets. Et en scrutant ces tenues, reviennent à la mémoire les fleurs dans ses cheveux, son "mono-sourcil" souligné au crayon, l’ombre du duvet de sa moustache, ses bagues et colliers traditionnels. On s’aperçoit alors à quel point cette femme a su imposer un personnage, se créer une silhouette inoubliable de femme forte et libre, tout en mettant son apparence au service de la mexicanité. Elle a fait correspondre cette image au projet politique que le Ministre de l’éducation José Vasconcelos a mis en place alors qu’elle était une lycéenne brillante, politisée et cultivée : faire connaître au monde et aux mexicains eux-mêmes la richesse du folklore et de l’histoire mexicaine et aztèque, en l’amenant dans la rue. Diego Rivera et les muralistes l’ont fait avec leurs fresques, elle l’a fait avec sa peinture, et cette garde-robe qui l’a élevée au rang d’icône. Elle a d’ailleurs été photographiée par Vogue en 1937, et Elsa Shiaparelli a créé une robe inspirée de son passage à Paris en 1939 baptisée Mme Rivera.

Frida Kahlo (1939)
Frida Kahlo (1939)
© Getty - Bettmann

L’ancêtre de l’Instagrameuse

Autoportraits ou photos, ce qui frappe c’est son habileté à mettre en scène et contrôler son image de peintre au travail ou de couple d’artistes puisque - comme Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre - on voit Frida et Diego manifester, s’observer en train de travailler, s’embrasser, ou mettre en scène leur différence de gabarit avec un sens de la communication redoutable. Mais paradoxalement, elle affirme aussi une image de femme alitée qui pose en train de peindre, de lire, de recevoir ou même de souffrir avec des images plus dures où elle apparaît sanglée dans des corsets, prise dans des plâtres, suspendue ou enserrée dans des bandages. Mais la photo que je retiens est celle où, allongée sur un lit, des rubans noués dans sa coiffure impeccable, les épaules nues, elle est en train de décorer au pinceau le plâtre qui lui prend le buste, comme pour tirer de la force de cette image et l’érotiser. Finalement, avec Faces of Frida, on peut se composer sa propre Frida Kahlo, confinée ou en pleine nature, au travail ou fumant une cigarette, communiste en cravate ou en robe de soirée, brisée ou triomphante, masculine ou féminine. On comprend alors qu’on peut être multiple ou confus, heureux et malheureux en même temps et, en ce moment, ça nous va très bien.

La Grande table
27 min

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