Analyse

La croissance mollit, la conjoncture s'obscurcit

Malgré les gestes du gouvernement en faveur du pouvoir d'achat, la croissance a reculé au second trimestre sous l'effet d'une consommation en repli. Une atonie qui risque de compliquer l'équation budgétaire de l'exécutif.
par Christophe Alix
publié le 30 juillet 2019 à 17h47

Cela n’a rien de très nouveau mais la croissance française renoue avec son rythme préféré : le quasi-surplace. Selon la première estimation de l’Insee publiée mardi, elle n’a progressé que de 0,2 % au second trimestre, après +0,3 % sur les trois premiers mois de l’année et +0,4 % lors du dernier trimestre 2018. Un chiffre très légèrement inférieur à la prévision de l’organisme statistique public mais conforme à la dernière estimation de la Banque de France, qui avait abaissé sa prévision début juillet. Ce ralentissement s’explique par la faible consommation des ménages : il n’a progressé que de 0,2 % au cours du deuxième trimestre, malgré les mesures prises cet hiver par le gouvernement en faveur du pouvoir d’achat, en réponse au mouvement des gilets jaunes.

Ce moindre appétit des ménages se ressent forcément sur l’activité puisque leurs dépenses constituent le principal moteur de la croissance et 55 % du PIB français. La consommation de biens affiche un zéro pointé, perceptible notamment dans le recul des ventes automobiles, celle de services décélère (+0,3 % après +0,6 %) et les achats alimentaires continuent de reculer (-0,2 %), même si c’est à un niveau moindre qu’au premier trimestre (-1,1 %). On n’a pas fini de parler de déconsommation.

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Cette atonie n'a rien d'étonnante dans une conjoncture globale de ralentissement de l'activité, déjà soulignée par le FMI et la Commission européenne. Avec un acquis de croissance de 1 % (le niveau de progression du PIB si l'activité restait égale au second semestre), elle ne devrait pas dépasser 1,3 % en 2019 selon l'Insee, contre 1,7 % en 2018 et 2,3 % en 2017. «Le contexte n'est pas porteur, résume Emmanuel Jessua, économiste chez Rexecode. Cela pèse forcément sur le climat conjoncturel français.»

Toutes les études récentes font état d’une décélération des échanges commerciaux qu’aggrave la montée des tensions géopolitiques. Au final, l’Hexagone, parfaitement en phase avec la morosité générale actuelle, pourrait néanmoins afficher une croissance très légèrement supérieure à celle de la zone euro, attendue à 1,2 % cette année. Un résultat très honorable même, si on le compare avec la croissance attendue en 2019 en Allemagne (+0,5 %) et en Italie (+0,1 %).

Des mesures sans effets sur l’activité

En revanche, cette contre-performance est plus surprenante au regard de la politique budgétaire expansionniste mise en place en France et qui tarde à produire ses effets. Car entre les mesures post-gilets jaunes et les baisses d’impôts annoncées, la progression du pouvoir d’achat est bien là, avec une hausse jamais vue depuis une décennie, estimée à +2,3 % sur l’année.

Autre indicateur bien orienté, l’indice de confiance des ménages (mesuré par l’Insee sur un panel de quelque 2 000 Français interrogés chaque mois) retrouve des couleurs et dépasse désormais sa moyenne de longue période (102 au lieu de 100). Avec une inflation plus que maîtrisée et un chômage qui continue sa très lente décrue, ce moral en hausse des ménages devrait logiquement les inciter à consommer davantage. Mais il alimente en réalité leur épargne de précaution. Comme le fait remarquer l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE, rattaché à Sciences-Po), les Français préfèrent aujourd’hui mettre de côté ces gains, avec un taux d’épargne au-delà de 15 %, atteignant un niveau comparable à ceux que l’on observe en période de crise.

Dans ce terne tableau, seul l'investissement tire son épingle du jeu et continue de soutenir l'activité. Selon l'Insee, il a accéléré de 0,9 % au second trimestre, après avoir progressé de 0,5 % au premier trimestre grâce aux dépenses soutenues des entreprises (+1,2 % après +0,7 %). La production totale «demeure en hausse», souligne l'Insee, et progresse quasiment au même rythme qu'aux trimestres précédents : +0,4 % après trois trimestres consécutifs à +0,5 %. Comme le résume Mathieu Plane, de l'OFCE, «les réserves de croissance sont là», que ce soit du côté des ménages ou de celui des entreprises, dont la trésorerie est au beau fixe, mais c'est l'attentisme qui domine.

Une trajectoire budgétaire fragilisée

Cette situation pourrait, dès cet été, compliquer l’équation budgétaire de l’exécutif, fragilisée, comme celle de ses voisins, par ce ralentissement de l’activité. Le gouvernement, qui table de manière réaliste sur 1,4 % de croissance cette année, n’est plus assuré à ce stade de tenir son objectif de 2,1 % de déficit public à la fin 2019. Et en juin, la Cour des comptes a déjà tiré la sonnette d’alarme pour 2020. Selon la vigie des comptes publics, les baisses d’impôts (5 milliards d’euros) et les nouvelles mesures annoncées en avril (réindexation sur l’inflation des petites retraites jusqu’à 2 000 euros) pourraient provoquer un dérapage compris entre 0,1 et 0,3 point de PIB – soit 2 à 6 milliards d’euros – l’an prochain. Alors que la France a déjà fortement revu à la hausse sa prévision de déficit pour l’an prochain, passée de 0,9 % à 2 % du PIB, une nouvelle glissade aurait pour effet de la maintenir parmi les plus mauvais élèves de la zone euro dans ce domaine.

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