La presse sous pression

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Le gouvernement a annoncé une plainte contre X après la diffusion d'un document interne par "Le Monde".

La "bienveillance et la modernité" ne seraient-elles qu'un slogan de campagne ? L'annonce, lundi, d'une plainte contre X déposée par le ministère de la Culture après un article du journal le Monde pose question. Le quotidien avait publié un document du ministère sur la réforme de l'audiovisuel public. Un document confidentiel qui contient des pistes de travail non validées. 

Cette plainte fait suite à celle du mois de juin, cette fois du ministère du Travail, après un article de Libération. Le journal avait révélé les pistes de la réforme du marché du travail à venir.

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Dans les deux cas, cela dénote une vision pour le moins datée, pour ne pas dire rétrograde. Bien sûr, nous n'en sommes pas aux micros cachés dans les murs du Canard Enchaîné sous Pompidou. Ni même - jusqu'à preuve de contraire - à l'examen des factures téléphoniques des journalistes sous Nicolas Sarkozy. Mais le gouvernement, en saisissant la justice, se trompe de cible. Il donne l'impression de vouloir se calfeutrer pour éviter les questions. S'il n'y prend garde, il ressemblera bientôt à l'équipe de France de football de 2010, celle de la fameuse grève du bus... dont la seule obsession était de débusquer la "taupe", la source qui parlait au journal "l'Equipe". 

Les attaques contre le journalisme d'investigation passent aussi par le portefeuille... Triste symbole, au moment de l'annonce de cette plainte du gouvernement, on apprenait par ailleurs une mesure de rétorsion économique envers le journal Le Monde. Cette fois issue d'un groupe privé : Bernard Arnault a décidé d'annuler toutes les pages de publicité dans le Monde jusqu'à la fin de l'année. Le milliardaire, furieux d'avoir figuré dans l'enquête sur l'optimisation fiscale, dossier dit des Paradise Papers, supprime ainsi l'équivalent de 600 000 euros de recette pour le journal. Menaces économiques et menaces judiciaires donc.  

Quel rôle pour la presse ? 

Cependant, les deux cas ne sont pas à mettre sur le même plan. La plainte du gouvernement ne vise pas tant à faire peur à la presse qu'à faire taire les sources. Par la crainte. Par l'exemple. Par la sanction, au sein de l'administration. Alors posons la question directement : dans la démocratie rêvée du président, les journalistes doivent-ils se cantonner à commenter des communiqués ?   

La presse doit-elle se voir éloignée manu militari par des hommes en civil, comme cela s'est passé hier à Tourcoing pour notre confrère de France 5 ? Impossible pour lui d'approcher le chef de l’État afin de lui poser une question, comme si le thaumaturge dont nous parlions hier irradiait les alentours de sa sacralité. 

Enfin, la presse doit-elle subir des interrogatoires policiers, comme ce fut le cas pendant deux heures ce week-end à Briançon dans les Hautes-Alpes ? Une journaliste suisse du quotidien Le Temps, qui enquêtait sur la route des migrants, a été retenue par les forces de l'ordre et a subi des intimidations. Son journal demande des excuses officielles à la France. Sans réponses jusqu'ici. 

Nul corporatisme en dressant la liste de ces dérives. On ne s'est d'ailleurs jamais empêché d'épingler les confrères ou les consœurs ici ou là... Mais en l'occurrence, ce qui est en jeu c'est moins le confort de la presse que le droit à l'information, ce flux qui irrigue le corps social, cette évidence dans une démocratie mature... bienveillante et moderne.

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