Une petite fille égarée erre dans la foule hivernale. Même si le soleil couchant de la Côte d’Azur projette derrière elle une ombre gigantesque, personne ne la remarque. Une caméra, si. Un peu moins de deux kilomètres plus loin, un policier municipal assis devant son écran de contrôle informe laconiquement : “La personne recherchée est localisée.”

L’expérience est un succès : au milieu des quelque 5 000 personnes venues assister au carnaval, le centre de supervision urbain (CSU) a retrouvé la petite disparue en deux coups de cuillère à pot. “En fait, c’est ma fille qui s’est prêtée à l’expérience, dit avec le sourire Sandra Bertin, la patronne du CSU. Grâce à la reconnaissance faciale numérique, il n’a fallu que quelques minutes pour la retrouver à partir d’une simple photo d’identité.”

“On n’est pas en Chine”

D’autres volontaires ont également été retrouvés dans la cohue à l’aide de photos vieilles de parfois dix ans. La directrice adjointe de la police est emballée par le logiciel de reconnaissance faciale de la société israélienne AnyVision : “Imaginez comme il pourrait être utile pour repérer en temps réel des enfants en bas âge et des personnes atteintes d’Alzheimer, mais aussi des délinquants ou des terroristes.”

“Terroristes.” Le mot a une résonance particulière dans la ville de 340 000 habitants. Sur la promenade des Anglais, le 14 juillet 2016, un terroriste a foncé sur la foule au volant d’un camion et 86 personnes ont perdu la vie.

Aujourd’hui, on n’en voit plus trace le long de la fameuse plage de galets. Ou plutôt si : la promenade est désormais bordée de jolies pergolas posées sur des socles en béton étonnamment épais. Des bornes tout aussi imposantes en interdisent l’accès aux véhicules – elles sont escamotables grâce à une manette depuis le centre opérationnel de la police municipale. Une des 2 682 caméras de vidéosurveillance installées à ce jour dans les rues de Nice surveille l’endroit en permanence.

“À l’heure où on parle, il y en a encore plus, se réjouit Sandra Bertin. Tous les mois, on met une ou deux nouvelles caméras en service.” Plus que d’autres villes, Nice mise sur la “vidéoprotection”, comme on l’appelle ici. Un choix effectué avant l’attentat meurtrier de 2016. Un État policier miniature ? La patronne du CSU secoue la tête d’un air indigné : “On n’est quand même pas en Chine ! On ne veut pas surveiller les gens, on veut seulement lutter contre le crime.”

Les voleurs à la tire dans le viseur

Où se situe la limite ? La réponse attendra, car il y a du mouvement dans la pénombre de la salle de commandes du CSU, qui surveille plus de 60 sites en même temps. “Renforts demandés à la gare !” lance au micro une des 90 employés du centre – les femmes seraient plus observatrices que les hommes. Elle zoome sur une rue latérale à l’aide de son joystick. La patrouille la plus proche se rend sur place. La situation est bientôt maîtrisée, ce n’était qu’une bagarre entre deux ivrognes.

Sandra Bertin a deux ou trois autres vidéos en tête. L’une montre deux voleurs qui délestent un couple de touristes de 4 100 euros sur la “Prom’”, comme on dit ici. Grâce à un maillage