Billet

Congé pour le décès d’un enfant : l'humanité n’effacera jamais l'ignominie

par Jacky Durand
publié le 2 février 2020 à 17h17

Monsieur le président de la République,

L'affaire est entendue : il est désormais question de «rétropédalage», quel mot affreux, quand il est appliqué à l'allongement du congé accordé aux parents après la mort d'un enfant. Vous-même, vous avez demandé, samedi, au gouvernement «de faire preuve d'humanité» sur cette proposition de loi visant à porter de cinq à douze jours le congé d'un salarié venant de perdre un enfant. Mais le remède n'est-il pas pire que le mal commis quand votre majorité a recalé ce projet ? Appeler «à faire preuve d'humanité» revient à demander à vos troupes de faire un effort. Comme si la mort d'un bébé, d'un adolescent n'imposait pas d'emblée à chacun d'entre nous cette «humanité» et une entière compréhension qui va de soi.

La mort est un fait inexorable, on s'y résout plus ou moins quand elle frappe un proche, quand l'espérance de vie tutoie aujourd'hui les 80 ans. Mais elle reste impensable quand elle foudroie un enfant au seuil de son existence. Comme l'a écrit Tonino Serafini dans Libération, cette «tragédie absolue» transforme «des pères et des mères en des morts-vivants», les condamne souvent à un deuil impossible quand «faire son deuil» est devenu une tarte à la crème, une antienne médiatique.

La mort d’un enfant est indicible, elle devrait échapper à tout plan comptable et autres sornettes technocratiques. La décence et la compréhension auraient voulu que le projet de loi centriste sur l’allongement du congé décès soit voté dans la pudeur et la discrétion. Au lieu de cela, vos zélatrices, Muriel Pénicaud et la députée LREM Sereine Mauborgne, ont transformé ce douloureux sujet en discussion de marchand de tapis sur le thème «c’est encore les entreprises qui vont payer». Votre appel à faire preuve d’humanité n’effacera jamais cette ignominie.

On vous savait déjà éloigné de bien des préoccupations d’une majorité de citoyens (retraites, gilets jaunes, violences policières, hôpitaux…). On sait désormais que parmi vos troupes, on est aussi loin du cœur des Français. De ce cœur qui n’appelle pas forcément au lyrisme quand le malheur frappe mais simplement à une reconnaissance juste de ce malheur.

Certes, une (ré)élection ne se gagne pas avec des (bons) sentiments mais cette affaire de congés décès risque fort de rester gravée, comme sur une pierre tombale, au bilan de vos pires erreurs.

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