Chronique «Roues cool»

Comment conduire sa voiture en restant ami avec les cyclistes

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Avec la rentrée et le Covid qui menace, voitures et vélos n'ont probablement jamais été aussi utilisés. L'occasion de rappeler les règles de bonne conduite à adopter à l'égard des cyclistes.
par Romain Métairie
publié le 7 septembre 2020 à 7h00

Chaque lundi, retrouvez notre chronique «Roues cool», qui aborde le vélo comme moyen de déplacement, sans lion en peluche ni maillot à pois.

Pas de doute, c’est bien la rentrée. Il n’y a qu’à voir le nombre de cyclistes et d’automobilistes qui réinvestissent les villes passé l’exode estival. Si l’on y ajoute le retour de centaines de milliers d’élèves sur les chemins de l’école, le réseau routier n’a jamais été aussi fréquenté depuis l’époque préconfinement. D’autant que, pour éviter au maximum de prendre les transports en commun – coronavirus oblige – vélos et voitures s’imposent comme moyens de transport privilégiés. Encore faut-il bien savoir se partager la chaussée. Et pour cela, maîtriser son code de la route et les subtilités qui vont avec. Encore plus pour les automobilistes, qui restent les moins vulnérables en cas d’accident, tout en étant soumis à un régime législatif plus strict que les cyclistes. Alors, savez-vous ce qu’est un sas vélo ? Et la distance à respecter en cas de dépassement d’un cycliste ? Est-elle la même en ville qu’en campagne ? Passage en revue des règles de bonnes conduites à adopter derrière le volant pour respecter au mieux les vélos.

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Assurez-vous déjà de maîtriser la règle de base, censée donc être la plus connue : l'espace de sécurité pour dépasser un cycliste. Pourtant, à en croire une enquête réalisée en juillet 2018 par la Prévention routière, seuls 43% des conducteurs connaissent la distance à respecter. Dans le communiqué qui accompagne le sondage, cette règle est rappelée en ces termes : «Ne forcez pas le cycliste à serrer trop à droite. Ralentissez au préalable et lors du dépassement, respectez un minimum d'1 mètre d'espace avec le cycliste en ville, 1,5 mètre hors agglomération.» Rajoutons «qu'il ne faut pas omettre de maintenir aussi la distance de sécurité pour les vélos arrivant dans l'autre sens lorsque l'on double, complète Christophe Ramond, directeur des études et recherches à l'association Prévention routière. Ni de ralentir lorsqu'on se rapproche d'un cycliste pour avoir une vitesse compatible, et ne pas risquer de faire tomber le vélo».

La petite nouveauté depuis deux ans, que trois Français sur quatre ignorent selon la même enquête, laisse à l'automobiliste la possibilité de chevaucher la ligne blanche continue pour dépasser le cycliste, aussi bien en ville que hors agglomération, sous réserve de le faire sans danger. Le but étant «d'éviter les dépassements trop rapprochés, déstabilisants et dangereux pour le cycliste», rappelle le communiqué, qui précise que «seul le chevauchement de la ligne est autorisé et non son franchissement complet».

Des aménagements mal intégrés par les automobilistes

Cette nouveauté n'est pas la seule. Ces dernières années, les nombreux aménagements en faveur des vélos, notamment dans les villes, ont apporté leur lot de nouvelles mesures à destination des cyclistes. Dans certains cas de figure, ces règles – inscrites au code de la route – peuvent concerner les automobilistes. Il existe dorénavant des situations où les vélos sont autorisés à franchir certains feux rouges (ceux où figure un petit panneau avec un vélo jaune et des flèches directionnelles). Sachez donc que même si vous avez la priorité à un carrefour car le feu est vert, la bonne attitude est de ralentir «afin d'anticiper toute manœuvre imprudente» de certains cyclistes qui arriveraient d'un côté.

D'autres trouvailles se situent «entre l'aménagement routier et le code de la route» comme les voies centrales banalisées, également appelées «chaucidou», qui peuvent interpeller le conducteur. «Des communes transforment des routes où il y a deux voies de circulation, en une seule voie centrale, dite banalisée, où on circule toujours dans les deux sens avec de part et d'autre une bande cyclable, décrypte Christophe Ramond. Quand un véhicule arrive en face, l'automobiliste a le droit de chevaucher ponctuellement la bande cyclable.»

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Problème : «Beaucoup de ces nouvelles règles sont parfois assez mal comprises et assimilées par les automobilistes», estime Christophe Ramond. D'autres aménagements, comme le double sens cyclable – cette possibilité d'avoir un cycliste qui arrive face à soi dans un sens unique – sont carrément «mal perçus» par les automobilistes. Il rend service aux cyclistes dans les villes, mais agace les conducteurs, en particulier lorsque la chaussée est étroite. «Ce que [les automobilistes] nous font remonter, c'est qu'il y a une complexification des signalisations, des aménagements et des règles qui ne sont pas très bien expliquées ni intégrées.» Christophe Ramond en ajoute une : les zones de rencontre. Elles ont une signification bien précise dans le code de la route (rouler à 20 km/h, piétons prioritaires…). «Elles sont très mal connues car il y en a encore peu dans nos villes. Ce sont des panneaux qu'on voit peu. On a donc du mal à les mémoriser.»

«On a sévérisé les sanctions»

Reste toutes ces mesures qui ne figurent pas au code de la route, et qui relèvent plus du bon sens que de la contrainte législative : éviter de klaxonner à proximité d'un vélo pour ne pas provoquer d'écarts brusques (du moins en campagne, le klaxon étant, on le rappelle, interdit en ville), faire attention lorsque l'on ouvre une portière pour éviter de percuter un vélo. «Si vous longez une bande cyclable encombrée par des véhicules, ralentissez et anticipez les manœuvres des cyclistes contraints de contourner les obstacles», précise encore la Prévention Routière.

Dans l'idéal, chaque manœuvre (s'arrêter, repartir, se garer) doit s'effectuer en vérifiant l'éventuelle présence d'un vélo dans ses rétroviseurs et ses angles morts. Autre point important : ne pas sous-estimer la vitesse des cyclistes. «Lorsqu'on arrive à un rond-point ou un carrefour, on croit avoir largement le temps de passer devant le cycliste. Mais son gabarit visuel, plutôt étroit, fait qu'on a du mal à apprécier sa distance et sa vitesse, détaille Christophe Ramond. On peut être surpris et le surprendre» par un mauvais jugement de ces paramètres. C'est d'autant plus vrai la nuit.

Il existe quelques astuces pour adopter de bons réflexes, comme la technique dite de la poignée hollandaise : plutôt que d’ouvrir la portière conducteur en grand de la main gauche, faite-le de la droite, juste une vingtaine de centimètres. Cela va vous inciter à regarder si un cycliste se rapproche, comme visible dans la vidéo ci-dessous.

Une notion de devoir de prudence vis-à-vis des usagers plus vulnérables que soi-même a même été introduite dans le code de la route. «Il n'y a pas de sanctions particulières par rapport à cette règle. Elle a été ajoutée à des fins pédagogiques», précise Christophe Ramond.

En revanche, «on a sévérisé les sanctions, en particulier lorsque les automobilistes ne respectent pas les zones de circulation pour les cyclistes. On pénalise par exemple beaucoup plus le fait de s'arrêter ou circuler sur un aménagement cyclable [la notion de «stationnement très gênant» a par exemple été créée pour prévenir ce type d'infraction, passible de 135 euros et peut entraîner la mise en fourrière du véhicule, ndlr]. On constate que les pistes cyclables servent de zone de stationnement pour les véhicules. C'est un gros problème car ça peut mettre en danger les cyclistes.»

Depuis la mise en application de la loi sur la modernisation de la justice du XXIsiècle (décret publié le 18 novembre 2016), la verbalisation automatique englobe désormais l'infraction qui concerne le non-respect des sas vélo par les automobilistes. Une zone encore plus méconnue que les précédentes. Lors d'un arrêt à un feu rouge, vous avez sûrement dû remarquer la présence de deux lignes pointillées blanches, avec, entre les deux, un marquage au sol représentant des dessins de bicyclette. Le sas vélo, c'est cet espace situé devant la ligne d'arrêt des voitures. Uniquement réservé aux cyclistes, il leur permet d'être mieux visibles, de tourner à gauche en toute sécurité, et de ne pas respirer les gaz émis par les pots d'échappement des véhicules.

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La mesure stipule que «le conducteur d'un véhicule autre qu'un cycle ne doit pas s'engager dans l'espace compris entre les deux lignes d'arrêt définies à l'article R. 415-15 lorsque son véhicule risque d'y être immobilisé». Là encore, beaucoup de conducteurs ne connaissent pas ce sas, et ont tendance à empiéter dessus. Pourtant, la règle, entrée en vigueur en 1998, n'est pas nouvelle. Preuve que la législation en faveur des vélos n'est pas encore bien assimilée par les automobilistes. Elle n'a pourtant pas fini d'évoluer.

Vélosophie #15 Crevaison

Chaque semaine, un épisode animé du Petit traité de vélosophie de Tronchet, extrait de l’album paru chez Delcourt.

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