ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"745"> mais il est certain qu'elles ne la possedent pas dans un fort grand degré, & qu'elles ne comparent leurs idées que par rapport à quelques circonstances sensibles attachées aux objets mêmes. Pour ce qui est de la puissance de comparer qu'on observe dans les hommes, qui roule sur les idées générales & ne sert que pour les raisonnemens abstraits, nous pouvons assûrer probablement qu'elle ne se rencontre pas dans les animaux.

Il n'y a rien que l'esprit humain fasse si souvent, que des comparaisons: il compare les substances avec les modes; il compare les substances entre elles, & les modes entre eux; il s'applique à démêler ce qu'ils ont de commun d'avec ce qu'ils ont de différent, ce qu'ils ont de liaison d'avec ce qu'ils ont de contrariété; & par tous ces examens il tâche de découvrir les relations que les objets ont entre eux.

Toute comparaison roule pour le moins sur deux objets; & il faut 1° que ces objets que l'on compare existent, ou puissent exister: car l'impossible ne se conçoit pas, & si on le concevoit, il ne seroit pas impossible: 2° il faut avoir l'idée de l'un & de l'autre, sans quoi l'esprit ne sauroit ce qu'il fait quand il les compare: 3° appercevoir ces deux idées d'un seul coup, & se les rendre présentes en même tems.

Quand on compare, par exemple, deux pieces de monnoie, ou on les regarde l'une & l'autre d'un seul coup d'oeil, ou l'on conserve l'idée de la premiere qu'on a vûe, & on la consulte dans le tems qu'on jette les yeux sur la seconde; car si l'on n'avoit plus d'idée de cette premiere, il ne seroit pas possible de décider si elle est égale à la seconde, ou si elle en differe.

Deux objets nous peuvent être présens en même tems, sans que nous les comparions: il y a donc un acte de l'esprit qui fait la comparaison; & c'est cet acte qui constitue l'essence de ce qu'on appelle relation, rapport, lequel acte est tout entier chez nous.

Comme en comparant des objets ensemble, il regne entre eux divers rapports de figure, d'étendue, de durée, & d'autres accidens, on se sert de ces rapports en qualité d'images & d'exemples pour illustrer ses pensées, soit en conversation, soit par écrit: mais il ne faut pas leur donner une valeur plus étendue, ni prendre les similitudes pour des identités; ce seroit une source féconde d'erreurs & de méprises, dont on doit d'autant plus se garder, que nous sommes naturellement disposés à y donner notre acquiescement. Il est commode à l'esprit humain de trouver dans une idée familiere, l'image ressemblante d'un objet nouveau: voilà pourquoi ces images qui roulent sur les rapports lui plaisent; & comme il les aime, parce qu'elles lui épargnent du travail, il ne se fatigue pas à les examiner, & il se persuade aisément qu'elles sont exactes. Bien - tôt il se livre aux charmes de cette idée, qui ne peut cependant tendre qu'à gâter le jugement, & à rendre l'esprit faux.

Quelquefois même ce goût à chercher des rapports de ressemblance, fait qu'on en suppose où il n'y en a point, & qu'on voit dans les objets tout ce que l'imagination présente. Mais quand on ne supposeroit rien, quand ces ressemblances existeroient, quelque exactes qu'elles puissent être entre deux objets de différente espece, elles ne forment point une identité; elles ne concluent donc rien en matiere de raisonnement. C'est pourquoi la Logique abandonne les images, les ressemblances, à la Rhétorique & à la Poésie, qui s'en sont emparées sous le nom de comparaisons, pour en faire le plus brillant usage, ainsi qu'on le verra dans l'article suivant. Cet article est de M. le Chevalier de Jaucourt.

Comparaison, (Page 3:745)

Comparaison, s. f. (Rhét. & Poés.) figure de Rhétorique & de Poésie, qui sert à l'ornement & à l'éclaircissement d'un discours ou d'un poëme.

Les comparaisons sont appellées par Longin, & par d'autres rhéteurs, icones, c'est - à - dire images ou ressemblances. Telle est cette image, pareil à la foudre, il frappe, &c. il se jette comme un lion, &c. Toute comparaison est donc une espece de métaphore. Mais voici la différence. Quand Homere dit qu'<-> Achille va comme un lion, c'est une comparaison; mais quand il dit du même héros, ce lion s'élançoit, c'est une métaphore. Dans la comparaison ce héros ressemble au lion; & dans la métaphore, le héros estun lion. On voit par - là que quoique la comparaison se contente de nous apprendre à quoi une chose ressemble, sans indiquer sa nature, elle peut cependant avoir l'avantage au - dessus de la métaphore, d'ajoûter, quand elle est juste, un nouveau jour à la pensée.

Pour rendre une comparaison juste, il faut 1° que la chose que l'on y employe soit plus connue, ou plus aisée à concevoir, que celle qu'on veut faire connoître: 2° qu'il y ait un rapport convenable entre l'une & l'autre: 3° que la comparaison soit courte atant qu'il est possible, & relevée par la justesse des expressions. Aristote reconnoît dans sa rhétorique, que si les comparaisons sont un grand ornement dans un ouvrage quand elles sont justes, elles le rendent ridicule quand elles ne le sont pas: il en rapporte cet exemple; ses jambes sont tortues ainsi que le persil.

Non - seulement les comparaisons doivent être justes, mais elles ne doivent être ni basses, ni triviales, ni usées, ni mises sans nécessité, ni trop étendues, ni trop souvent répétées. Elles doivent être bien choisies. On peut les tirer de toutes sortes de sujets, & de tous les ouvrages de la nature. Les doubles comparaisons qui sont nobles & bien prises, font un bel effet en Poésie; mais en Prose l'on ne doit s'en servir qu'avec beaucoup de circonspection. Les curieux peuvent s'instruire plus amplement dans Quintilien, liv. V. ch. ij. & liv. VIII. ch. iij.

Quoique nous adoptions les comparaisons dans toutes sortes d'écrits en Prose, il est pourtant vrai que nous les goûtons encore davantage dans ceux qui tracent la peinture des hommes, de leurs passions, de leurs vices, & de leurs vertus. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Comparaison d'Ecritures, (Page 3:745)

Comparaison d'Ecritures, (Jurispr.) est la vérification qui se fait d'une écriture ou signature dont on ne connoît pas l'auteur, en la comparant avec une autre écriture ou signature reconnue pour être de la main de celui auquel on attribue l'écriture ou signature contestée.

C'est une des preuves que l'on peut employer pour connoître quel est le véritable auteur d'une écriture ou signature: car la vérification peut en être faite en trois manieres; savoir par la déposition des témoins qui attestent avoir vû faire en leur présence l'écriture dont il s'agit; ou par la déposition de témoins qui n'ont pas à la vérité vû faire l'écrit, mais qui attestent qu'ils connoissent que l'écriture & signature est d'un tel, pour l'avoir vû écrire & signer plusieurs fois; & enfin la derniere sorte de preuve que l'on employe en cette matiere, est la déposition des cxperts, qui après comparaison faite des deux écritures, déclarent si elles leur paroissent de la même main, ou de deux mains différentes.

La comparaison d'écritures est usitée, tant en matiere civile qu'en criminelle.

L'usage de cette preuve en matiere civi est fort ancien; il en est parlé en quelques endroits du code & des novelles.

Comme on admettoit pour pieces de comparaison des écritures privées, Justinien ordonna d'abord par la loi comparationes, ch. de fide instrum. qu'on se [p. 746] serviroit de pieces authentiques, & qu'on ne pourroit se servir d'écritures privées qu'elles ne fussent signées de trois témoins.

Par sa novelle 49. il mit deux exceptions à cette loi pour les écritures privées, qu'il permit d'employer pour pieces de comparaison, lorsqu'elles étoient produites par celui contre lequel on vouloit se servir de pieces de comparaison; ou lorsque l'écriture privée étoit tirée d'un dépôt public.

Mais par sa novelle 73. il restraignit tellement l'usage de la preuve par comparaison d'écritures, qu'il est vrai de dire que son intention étoit qu'on y eût peu d'égard, du moins en matiere civile.

Dans la préface de cette novelle, il dit que quelques - uns de ses prédécesseurs avoient admis cette preuve, que d'autres l'avoient rejettée; que ces derniers en avoient reconnu l'abus, en ce que les faussaires s'exerçoient à contrefaire toute sortes d'écritures; & qu'on ne peut bien juger de la qualité d'un acte faux par le seul rapport qu'il a avec un acte véritable, attendu que la fausseté n'est autre chose que l'imitation d'une chose vraie; qu'il avoit lui - même reconnu les inconvéniens de cette preuve, étant arrivé qu'en Arménie un contrat d'échange tenu pour faux par les experts, fut néanmoins reconnu véritable par tous les témoins qui l'avoient signé.

La disposition de cette novelle est assez compliquée: l'empereur défend de vérifier aucune piece par comparaison d'écritures, si la piece que l'on veut faire vérifier n'est signée de trois témoins dignes de foi, ou d'un notaire, ou de deux témoins sans reproche, ou du moins si elle n'est passée en présence de trois témoins irreprochables. Il veut de plus que le notaire & les témoins qui auront signé avec la partie, reconnoissent leur signature au bas de l'acte: que si le notaire reconnît la sienne, en ce cas c'est une piece publique, qui n'a point besoin d'être vérifiée par comparaison: que si c'est un acte signé de trois témoins, ou seulement écrit en leur présence sans être signé d'eux, ou même s'il est reçû par un notaire en présence de deux témoins, mais que le notaire soit depuis décédé, ou ne soit plus en état de déposer; en ce cas Justinien veut qu'outre la vérification par comparaison d'écritures, les témoins qui ont signé reconnoissent tous leur seing, & qu'en outre soit qu'ils ayent signé ou non, ils déposent si l'écriture vérifiée par experts a été faite en leur présence de la même main dont les experts ont jugé qu'elle étoit écrite: que si les témoins & le notaire ne sont plus vivans, leur signature soit vérifiée ainsi que celle de la partie: que si l'acte ne se trouve pas signé du nombre de personnes publiques ou de témoins qui est ordonné, la seule comparaison d'écritures ne sera jamais suffisante pour que l'on y ajoûte foi; & qu'en ce cas, après la vérification faite, le juge s'en rapportera au serment décisoire de la partie qui veut se servir de la piece contestée. Enfin la novelle ajoûte encore que si les contrats sont de peu d'importance, ou passés à la campagne, on n'y desire pas ces formalités; mais qu'à l'égard de tous les autres, la seule comparaison d'écritures ne suffit pas pour y faire ajoûter foi; & la raison qu'en donne la loi, c'est que la ressemblance des écritures est trop suspecte, que c'est une voie qui a souvent induit en erreur, & que l'on ne doit pas s'y rapporter tant que l'on ne voit pas de meilleure preuve.

Les interpretes du droit ont tous parlé de la comparaison d'écritures, conformément à la novelle 73. & entre autres Cujas, qui tient que la simple comparaison d'écritures ne fait point de foi, qu'elle ne peut être regardée au plus que comme une semi - preuve qui peut obliger le juge de déférer le serment à la partie qui soûtient la vérité de l'acte; & que pour faire preuve il faut que le rapport des experts soit appuyé de la signature des témoins & de leur dépo sition.

Il y a beaucoup de docteurs qui pensent que dans les cas mêmes portés par la novelle 73. on doit encore être fort reservé sur la foi qu'on ajoûte à la ressemblance des écritures: d'autres vont jusqu'à dire qu'elle ne fait pas toûjours une semi - preuve; & quelques - uns enfin nient qu'elle fasse même la plus legere présomption.

Il est néanmoins certain dans notre usage que la preuve par comparaison d'écritures est admise, tant en matiere civile qu'en matiere criminelle.

Elle est admise en matiere civile par l'ordonnance d'Orléans, art. 145. par celle de 1539, art. 92. par celle de Charles IX. du mois de Janvier 1565; & enfin par l'ordonnance de 1667, tit. xij. art. 5.

La forme en est reglée pour les matieres civiles par cette derniere ordonnance: il y est dit que les reconnoissances & vérifications d'écritures privées se feront partie présente ou dûement appellée, pardevant le rapporteur, ou s'il n'y en a point, pardevant l'un des juges qui sera commis sur une simple requête, pourvû, & non autrement, que la partie contre laquelle on prétend se servir des pieces soit domiciliée ou présente au lieu où l'affaire est pendante, sinon que la reconnoissance se fera devant le juge royal ordinaire du domicile de la partie; & que s'il échet de faire quelque vérification, elle sera faite pardevant le juge où le procès principal est pendant.

Les pieces & écritures dont on poursuit la reconnoissance ou vérification, doivent être communiquées à la partie en présence du juge ou commissaire.

Faute par le défendeur de comparoir à l'assignation, on donne défaut contre lui, pour le profit duquel si on prétend que l'écriture soit de sa main, elle est tenue pour reconnue; & si elle est d'une autre main, on permet de la vérifier tant par témoins, que par comparaison d'écritures publiques ou authentiques.

La vérification par comparaison d'écritures se fait par experts sur les pieces de comparaison dont les parties conviennent, & à cette sin on les assigne au premier jour.

Enfin si au jour de l'assignation l'une des parties ne compare pas, ou ne veut pas nommer des experts, la vérification se fait sur les pieces de comparaison par les experts nommés par la partie présente, & par ceux qui seront nommés par le juge au lieu de la partie refusante & défaillante.

Telles sont les formalités prescrites par l'ordonnance de 1667, pour les verifications d'écritures privées par pieces de comparaison en matiere civile.

Cette preuve étoit aussi admise en matiere criminelle chez les Romains, du moins en matiere de faux, comme il paroît par une loi de l'empereur Constantin, qui est la seconde au code Théodosien, & la vingt - deuxieme dans le code Justinien, ad logem Corneliam de falsis.

M. Le Vayer de Boutigny célebre avocat au parlement, & depuis maître des requêtes, a fait une savante dissertation dans la cause fameuse de Jean Maillart, où il s'attache d'abord à faire voir en général qu'il y a peu de certitude dans la comparaison d'écritures, & qu'elle ne fait pas seule preuve, même en matiere civile: il prétend qu'elle ne doit point avoir lieu, sur - tout en matiere criminelle; qu'elle n'a été admise par aucune loi dans ces sortes de matieres; que la loi n'y admet que trois sortes de preuves, savoir la preuve par titres, la preuve par témoins, & les indices indubitables & plus clairs que le jour.

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