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« S’enfermer dans l’idée d’un choc des cultures », c’est la vraie défaite du débat

Il est normal dans la vie démocratique de critiquer un auteur qui, malgré son indéniable courage, véhicule une vision culturaliste de la violence sexuelle, explique l’historienne et anthropologue Jocelyne Dakhlia.

Publié le 29 février 2016 à 17h52, modifié le 01 mars 2016 à 14h29 Temps de Lecture 7 min.

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Le Monde festival, débat

Par Jocelyne Dakhlia (Directrice d’études à l’EHESS)

Résumons les trois termes d’une polémique en cours : les islamistes défendent l’idée que leur culture (religion) est spécifique, et doit être défendue et même imposée au reste de la société. Kamel Daoud défend la même idée que cette culture (religion) est spécifique, mais qu’elle doit être réformée et même combattue.

Nous (chercheurs en sciences sociales, ayant signé un texte critique d’une tribune de Daoud), saluons le courage de l’auteur dans son opposition à ses adversaires islamistes, mais défendons l’idée que le problème n’est pas dans la culture (religion) et doit être cherché ailleurs. C’est de notre part, et de ma part en tout cas, un positionnement intellectuel et scientifique, et c’est aussi un positionnement politique.

Les réactions hystériques et complètement disproportionnées suscitées par notre critique de Kamel Daoud ne peuvent s’expliquer que par le contexte politique post-attentats et le besoin frénétique de s’unir autour d’une figure de la résistance. Tel est assurément Kamel Daoud, mais avoir été en butte aux attaques d’islamistes ne lui confère en rien une immunité prophétique de la parole à propos de tout.

Nous sommes tous comptables de nos écrits. Un personnage public doit s’attendre à répondre à des objections ou à des critiques et il est surprenant qu’un homme qui a su tenir tête si longtemps aux islamistes, et dont j’ai personnellement admiré les chroniques algériennes, qu’un homme de sa stature morale, se retire sur l’Aventin après deux textes critiques. Quant à parler de fatwa à propos de ces deux textes, de censure ou d’hallali, c’est d’un ridicule qui ne mérite même pas commentaire. Le débat d’idées est légitime, et contrairement à ce que l’on pense souvent en France, il est aussi pratiqué en Algérie.

« Tout cela renvoie à de l’affect »

Lorsque l’on s’adresse au monde entier, lorsque l’on publie dans La Repubblica, Le Monde ou le New York Times, on peut et on doit s’attendre à être interpellé sur ses idées. Dans sa carrière littéraire, qui sera indiscutablement heureuse, Kamel Daoud doit aussi s’attendre à voir ses écrits disséqués par la critique (littéraire, celle-ci) et il doit se préparer à débattre sur ce plan également.

Je déplore en tout cas sa décision quant à la fin de sa carrière journalistique car, dans un moment où les positions politiques se clarifient et se décantent sous la pression des événements politiques et s’aiguisent dans l’adversité, il a toute sa place dans le débat en cours. Ladite place n’est d’ailleurs pas singulière. Un certain nombre d’intellectuels musulmans appellent à une réforme de l’islam, et occupent plus largement, face aux sociétés islamiques ou en leur sein, une position critique assez analogue à celle d’Alain Finkielkraut, par exemple, lorsqu’il déplore le déclin de la France et de ses valeurs et déploie une lecture foncièrement pessimiste du présent.

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