Groupes privés, partages industrialisés, « cibles » désignées à la « riposte » collective, comptes anonymes démultipliés, faux profils, violence des propos… Depuis l’été 2018 et l’affaire Benalla, certains « marcheurs » qui peuplent les réseaux sociaux ont changé d’attitude : loin de la « bienveillance » préconisée par le chef de l’Etat pendant la campagne présidentielle, une partie de la Macronie numérique s’est durcie et convertie à des méthodes jusqu’alors pratiquées par d’autres acteurs du champ politique, notamment aux extrêmes.
Aurore Bergé, députée et porte-parole du groupe La République en marche (LRM) à l’Assemblée nationale, qui gère la « riposte » depuis la rentrée 2018, ne s’en cache pas : « On est le parti le plus attaqué, on doit être vigilants, on doit armer les militants à réagir. »
Twitter est un réseau social qui permet de poster de courts messages (280 caractères maximum) agrémentés d’images ou de vidéos, à destination des abonnés (ou « followers ») au compte. On peut s’abonner à des comptes d’individus, d’institutions, de médias, et recevoir leurs « Tweet », leurs messages dans un flux, qu’on appelle « timeline » (abrégé en « TL »). Et on peut à l’inverse être « suivi » par des followers, des abonnés.
Un Tweet peut être partagé, donc diffusé à ses propres abonnés. C’est ce qu’on appelle « retweet ». Il peut aussi être « aimé » (on parle de « like » et donc de l’action de « liker »). On peut également dialoguer avec d’autres comptes, en commentant leur Tweet, ou les interpeller (on parlera de les « mentionner »), ou encore citer leur message à destination de ses abonnés, en y ajoutant son commentaire. On peut également ajouter un « # » devant un mot pour le transformer en « hashtag » (mot-clé). L’un des buts collectifs peut être de placer un hashtag dans les « tendances », les mots-clés les plus partagés du jour.
Twitter compte aujourd’hui environ 15 millions de profils actifs en France, bien loin de Facebook qui en aligne plutôt 30 millions. Mais le réseau à l’oiseau bleu (son icône) est celui des « décideurs » et des « influenceurs » : stars, politiciens, journalistes, communicants en ont fait leur canal privilégié, tant pour y diffuser leur actualité que pour s’informer. Ce qui explique sans doute également que les militants de tout bord y soient très actifs, dans l’espoir de « toucher » ces influents et d’obtenir une visibilité.
Un ancien e-militant socialiste rompu aux joutes en ligne l’assure : si ces pratiques sont devenues habituelles dans tous les partis, elles ne faisaient pas initialement partie de la culture des « marcheurs ». « Au début, on était réglo, mais ça ne marchait pas, nos militants sont vieux et fréquentent peu les réseaux, raconte-t-il. Alors on est passés à des pratiques plus limites, comme avoir un double compte. » Soit un compte « officiel » avec un vrai nom, et un autre sous pseudonyme, où l’on s’autorise des attaques plus véhémentes ou plus ciblées. Pour lui, ce militantisme dissimulé a atteint, dans la nébuleuse macroniste, une ampleur industrielle : « On est passé à une autre dimension, avec des créations de comptes tous les jours. »
L’intérêt de cette multiplication est évidemment de faire nombre pour espérer contrer le « bruit » des opposants. Humaine ou automatisée, cette méthode, qui revient à « gonfler » son importance sur les réseaux sociaux, a un nom : l’astroturfing, ou « simulation d’une opinion spontanée », selon la définition du spécialiste en intelligence économique Charles Ponsard.
« Like » industriel
Au fil des recherches sur Twitter, des dizaines de profils d’obédience macroniste apparaissent, créés récemment et qui se contentent de deux activités : relayer ou « liker » industriellement des messages de partisans. Certains de ces comptes affichent une activité qui interroge, parvenant à aligner des dizaines de partages en une minute, des centaines, voire des milliers, en quelques heures… Un exploit qui suggère une forme d’automatisation, même si certains comptes tenus par de vraies personnes partagent également compulsivement des contenus.
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