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Impôts. 127 pays pour enrayer l’impunité fiscale des multinationales

L’OCDE a réuni fin janvier les deux tiers des États de la planète pour avancer vers des solutions permettant de taxer équitablement les multinationales, et en particulier celles du numérique. Plusieurs pistes prometteuses en sont sorties.

«Que 127 pays, qui représentent ensemble 97 % du PIB mondial, se réunissent et trouvent un accord de principe sur ces questions après tant d’années de blocage, c’est en soi une excellente nouvelle », se réjouit Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac. Près des deux tiers des États de la planète se sont en effet engagés avec l’OCDE à réformer la fiscalité mondiale d’ici à 2020, dans le but de mettre fin à l’impunité fiscale des multinationales, et en particulier celles du numérique. Le diagnostic est unanimement partagé. Le transfert de bénéfices vers les paradis fiscaux est un fléau et la numérisation de l’économie lui donne une nouvelle ampleur, il faut donc mettre un coup d’arrêt à la concurrence mortifère entre les États qui érode la base fiscale.

La première piste de recherche creusée par ces pays consiste à trouver des moyens de taxer les bénéfices là où ils sont réellement réalisés. Et les premiers désaccords émergent. D’un côté, il y a les États, emmenés par les Britanniques, qui proposent de se concentrer uniquement sur les entreprises du numérique. Il s’agit de taxer là où est l’internaute : celui qui passe une commande, et même lorsque celui-ci fournit des données à l’entreprise qui lui permettent de gagner de l’argent. D’autres pays, comme les États-Unis et l’Inde, préfèrent élargir le champ d’application à toutes les multinationales en se concentrant sur la prise en compte dans l’impôt des activités de marketing, de services, de publicité, de ventes dématérialisées…

La France fait bien pâle figure, avec sa proposition de taxe sur les Gafam

« Il est convenu d’approfondir l’analyse de différentes notions, notamment la modification du seuil de l’établissement stable, à l’instar de la notion de présence économique significative », résume de manière technique le rapport de l’OCDE. Le sénateur communiste Éric Bocquet explicite : « Google avait gagné en justice contre le fisc français en arguant que le groupe n’avait pas d’établissement stable en France, puisque tout remontait à leur siège européen basé à Dublin, en Irlande. Les revenus qui relèvent des brevets, des marques, activités de marketing, de la publicité, etc., tout était transféré en Irlande, alors que les activités étaient réellement pratiquées sur notre sol. » « Élargir et redéfinir la notion d’établissement stable est une mesure intéressante qui va vraiment dans le bon sens, pour taxer ce que l’on appelle les actifs immatériels », assure le coauteur du livre Sans domicile fisc (éditions du Cherche Midi). À côté de ces pistes de travail, la France fait bien pâle figure, avec sa proposition de taxe sur les Gafam réduite au minimum.

Dans les Échos, Pascal Saint-Amans, directeur du centre des politiques fiscales à l’OCDE, résume la seconde piste de travail ainsi : « Les pays réfléchissent à l’instauration d’un impôt minimal dont devraient s’acquitter les entreprises sur leurs profits réalisés à l’étranger, si ces profits ont échappé à l’impôt. » L’idée peut paraître séduisante à première vue. Il s’agit de réduire l’intérêt des paradis fiscaux en fixant un forfait de 13 %, selon le chiffre discuté sous l’impulsion des États-Unis. Mais elle reviendrait à institutionnaliser le fait que les multinationales qui le peuvent ne payent qu’un impôt sur les sociétés minimal, bien moindre que les TPE, PME et les artisans.

« Un impôt n’est pas une variable, il est déterminé par les parlements, dans le cadre de politiques fiscales et il doit s’appliquer à tous, explique Éric Bocquet. Cette idée de taxe minimale me gêne fortement, d’autant plus que je crains qu’en instaurant ce type d’impôt on en reste à cela pendant des décennies. Il faut qu’il y ait une justice fiscale. Ce n’est pas ça qui va renforcer le consentement à l’impôt, bien au contraire. » Le sénateur défend plutôt la proposition de loi déposée récemment par son collègue député PCF Fabien Roussel à l’Assemblée nationale, proposant le prélèvement à la source pour toutes les multinationales. « Les bénéfices peuvent s’évaluer quels que soient les territoires, à partir des décomptes de TVA par exemple », poursuit Éric Bocquet. Un tel prélèvement à la source est une opportunité discutée par ces 127 pays sous l’égide de l’OCDE, mais dans le cadre de l’impôt minimal. « Cet événement est une réponse à la pression de l’opinion publique, sans cela, il n’y a pas d’avancée. Cela démontre l’importance de continuer à se mobiliser pour la taxation de toutes les multinationales », conclut Raphaël Pradeau.


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