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Le lobbying sans scrupules de Facebook auprès de dirigeants européens pour qu'ils... ne protègent pas trop la vie privée
Des documents internes de Facebook révèlent les pratiques de lobbying de l'entreprise au sein de l'Union européenne.

Le lobbying sans scrupules de Facebook auprès de dirigeants européens pour qu'ils... ne protègent pas trop la vie privée

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Selon des documents révélés dimanche 3 mars, Facebook aurait mis au point des stratégies pour approcher des dirigeants européens. L'objectif ? Éviter d'��tre gêné par la loi sur la protection des données personnelles.

Si le verbe est onctueux, les pratiques sont sans excès de scrupules. Mark Zuckerberg, qui juge "très positif" le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en public, a tout fait, via sa multinationale Facebook, pour que le texte ne dérange pas ses activités. Des documents internes du groupe américain, révélés dimanche 3 mars par le Guardian et Computer Weekly, montrent que le réseau social a œuvré auprès de l'Union européenne pour limiter les conséquences sur son business de ce texte de protection de la vie privée. Ces nouvelles fuites, qui seraient issues du dossier du procès intenté par Facebook par la start-up californienne Six4Three, détaillent des stratégies de lobbying du groupe californien particulièrement offensives.

Un ministre anglais comme bon petit soldat

Selon ces documents, les opérations de lobbying de Facebook en 2013 ont notamment ciblé celui qui était alors chancelier de l'échiquier (ministre des finances) britannique, le conservateur George Osborne. D'après un mémo interne de Facebook, lors d'une rencontre au forum économique mondial de Davos, la numéro deux de l'entreprise, Sheryl Sandberg, aurait réclamé au représentant de la couronne qu'il soit "encore plus actif et bruyant" contre la RGPD, l'invitant à "vraiment aider à mettre en forme des propositions" sur ce dossier.

George Osborne, dont l'un des enfants a été invité à visiter un bureau de Facebook, "a demandé un briefing détaillé sur ces régulations" selon le document secret. "Il va trouver comment s'impliquer davantage", conclut le mémo, comme si le ministre britannique était le bon petit soldat de la firme californienne. "Il n'y a rien de surprenant à ce que le chancelier du Royaume-Uni rencontre un cadre de Facebook", a commenté George Osborne dans The Observer. Facebook et d'autres entreprises numériques américaines ont émis des inquiétudes, en public comme en privé, à propos de la RGPD. Je n'ai pas suivi ces inquiétudes, ou joué de mon influence auprès de l'Union européenne, parce que je ne suis pas d'accord avec eux."

Facebook a, en outre, tenté de tirer parti de la publication du livre Sheryl Sandberg, En avant toutes (consacré à la place des femmes dans l’entreprise et les lieux de pouvoir), pour tenter d'amadouer la commissaire européenne à la justice Viviane Reding. Particulièrement machiavélique... mais sans succès. La diplomate luxembourgeoise n'a pas donné suite.

Copinage et chantage à l'emploi

Parmi les dizaines de noms mentionnés par Facebook dans son mémo sur sa stratégie d'influence figure également l'ancien premier ministre irlandais Enda Kenny, désigné comme un "ami de Facebook". Tête de pont des géants du numérique au sein de l'Union européenne, l'Irlande accueille notamment le siège européen de Facebook, à Dublin. Les documents précisent qu'Enda Kenny aurait offert d'user de "l'influence significative" de son pays au moment de la présidence tournante de l'Union européenne. Le point de vue du Premier ministre irlandais rapporté par le réseau social sur la RGPD, une "menace pour l’emploi, l’innovation et la croissance économique en Europe" à ses yeux, ne risquait pas en tout cas de contrarier Facebook.

L'entreprise n'hésite pas à se livrer à un véritable chantage à l'emploi pour gagner en influence politique, à en croire ces documents, dont les auteurs seraient le dirigeant Marne Levine et le chef de la politique et de la communication mondiale de l'époque, Elliot Schrage. Au Canada et en Malaisie, Facebook aurait ainsi utilisé la promesse d'installer de nouveaux "data center", ces fermes de serveurs, comme levier. "Sheryl Sandberg a pris une position ferme et souligné qu'une décision sur les data center était éminente. Elle a souligné que si nous n'obtenions pas satisfaction du gouvernement canadien sur la question législative, nous avions d'autres options", relatent les auteurs du mémo.

"Comme les autres documents révélés en violation d'une décision de la cour, ces documents ne racontent à dessein qu'une version de l'histoire et omettent de la replacer dans son contexte", a répliqué un porte-parole de Facebook.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne