Pourquoi EDF ne redémarre pas les réacteurs 1 et 2 de la centrale nucléaire de Flamanville
Sous surveillance renforcée de l’Autorité de sûreté nucléaire depuis l’été 2019, la centrale nucléaire de Flamanville (Manche) ne redémarrera pas avant juin 2020, a annoncé EDF. Voici pourquoi.
Aucun électron ne sortira de la centrale nucléaire EDF de Flamanville (Manche) avant le 31 mai, prévient EDF. Cela fera 18 mois que la centrale n’a quasiment rien produit, contre une moyenne annuelle de 18 TWh. Pourtant, toujours optimiste, EDF annonçait encore mi-décembre 2019, un redémarrage du réacteur 2, arrêté en janvier de la même année pour sa troisième visite décennale, le 29 février, soit déjà avec plusieurs mois de retard sur le planning prévu.
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Le réacteur 1, lui, aurait dû redémarrer le 31 janvier 2020, puis le 20 février. Suite à une très longue et problématique troisième visite décennale initiée en 2018, ce réacteur avait pourtant finalement redémarré mais avait dû être à nouveau arrêté en septembre 2019 pour résoudre le problème de corrosion du système d’ancrage des diesels de secours.
Corrosion et microfissures sur les diesel de secours
Et rien n’indique que la nouvelle échéance fixée par EDF sera tenue. En plus des problèmes de corrosion de tuyauteries, de mauvais montages de raccords en élastomère et de défauts de connectiques sur des générateurs électriques de secours de plusieurs centrales du palier 1300 MW, dont Flamanville 1 et 2, qui avaient été classés comme incidents de niveau 2 par L’ASN en février 2019 et corrigé depuis par EDF, un nouveau problème est apparu. Des "microfissures" ont été détectées sur le moteur de la turbine à combustion des générateurs de secours, qui doit être remplacé, a prévenu EDF le 24 février 2020.
Déficiences dans l'exploitation et la maintenance
Mais ce sont surtout des problèmes de qualité dans la maintenance et l’exploitation que rencontre EDF à Flamanville et qui ont poussé l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à placer la centrale sous surveillance renforcée depuis septembre 2019. En juillet 2019, l’ASN pointait des "déficiences dans la maîtrise des gestes techniques associés à certaines activités d’exploitation, le nombre élevé d’événements significatifs liés à des défauts de maintenance et des défauts de surveillance des prestataires, la mauvaise maîtrise de certaines opérations de maintenance ainsi que la qualité insuffisante des documents qui lui étaient transmis dans le cadre de la visite décennale du réacteur 1".
Des déficiences qui seraient dues à un manque de culture de l’exigence dans les contrôles requise dans le nucléaire des jeunes recrues d’EDF à la centrale, explique un porte-parole. Car il n’y a pas que la centrale qui a vieilli de trente ans. Si les visites décennales doivent lui permettre de produire dix ans de plus, une partie des 780 salariés d’EDF et 377 prestataires extérieurs, ont dû partir à la retraite et être remplacés.
Un scan complet des opérations à réaliser
Or une visite décennale pour les 30 ans d’un réacteur nucléaire du palier 1 300 MW du parc français, comme ceux de Flamanville 1 et 2, mis en service respectivement en 1985 et 1986, représente 10 000 actions et points de contrôles, très technique qui requièrent une grande expérience et une grande rigueur, qui semblent faire défaut. De plus, la visite décanale du réacteur 2 a débuté début 2019 alors que celle du réacteur 1 avait dû être prolongée, désorganisant le travail, des opérations impliquant les mêmes équipes se chevauchant.
Conséquences de la mise sous surveillance renforcée de l’ASN, EDF a été établi un plan de rigueur "sans date de fin et qui entraîne des recontrôles", reprise un porte-parole. Ce plan comprend "un scan complet de l’ensemble des deux tranches, pour avoir une vision bien exhaustive de l’état et des travaux à engager". Toujours optimiste EDF semble croire qu’il sera fini dans trois mois.
Seule bonne nouvelle, le diesel d’ultime secours (DUS) de l’unité de production n°1, construit suite à l’accident de Fukushima, a démarré pour la première fois fin février, annonce un communiqué de la centrale. Les deux DUS de Flamanville pourront entrer en service avant le 30 juin 2020.