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"Blood Diamond" : pour une poignée de carats

Ce divertissement spectaculaire d'Edward Zwick parvient à évoquer la tragédie qu'a été la guerre civile au Sierra Leone.

Par Thomas Sotinel

Publié le 30 janvier 2007 à 16h33, modifié le 06 février 2007 à 08h16

Temps de Lecture 3 min.

Entre les guerres, celle qui a déchiré la Sierra Leone à la fin du XXe siècle compte parmi les plus sales. Les seuls héros furent les civils mutilés qui marchèrent des jours dans la jungle malgré leurs blessures, afin de gagner les camps de réfugiés en Guinée. Les combattants ne se distinguaient que par leur degré de barbarie, de corruption ou de lâcheté.

De cette horreur, qui accuse aussi impitoyablement le monde développé que l'Afrique, le réalisateur hollywoodien Edward Zwick a entrepris de tirer un grand divertissement spectaculaire. A première vue, la démarche est obscène surtout si l'on rapproche le budget du film et celui du PIB de la Sierra Leone : 100 millions de dollars pour faire exister Blood Diamond,payer son équipe de quelques centaines de personnes, ses vedettes, parmi lesquelles Leonard DiCaprio ; 700 millions de dollars de ressources pour les 3,5 millions d'habitants du petit pays d'Afrique de l'Ouest.

Pourtant, même - et surtout - si l'on est, pour une raison ou une autre, particulièrement sensible au sort des Sierra-Léonais, l'existence de Blood Diamond est une consolation tardive mais efficace. Par la grâce de la fiction et du star-system, cette tragédie, qui n'est restée jusqu'ici que l'une des vignettes de la collection des atrocités mondiales, quelque part entre Liberia et Rwanda, va prendre une force qu'elle n'a jamais eue.

Le scénario de Charles Leavitt procède par grandes simplifications. Evacuée la géopolitique régionale qui a fait intervenir toutes les puissances d'Afrique de l'Ouest dans le conflit, évacuée l'imbrication de la guerre civile en Sierra Leone et du conflit libanais (les diamants du pays ont financé certaines factions par l'intermédiaire de la communauté libanaise établie dans le pays) et bien d'autres choses encore.

Restent trois personnages : Solomon Vandy (l'acteur béninois Djimon Hounsou), un pêcheur sierra-léonais ballotté par la guerre ; Maddy Bowen (Jennifer Connelly), une journaliste américaine, et Danny Archer, mercenaire sud-africain né en Rhodésie (une appellation à laquelle il tient), trafiquant de diamants à ses heures (Leonardo DiCaprio).

Le film ne se refuse aucun des ingrédients de la cuisine hollywoodienne classique : quand le village de Solomon est attaqué par la rébellion du Front uni révolutionnaire (RUF), le chef sadique lui épargne au dernier moment l'amputation, pour l'envoyer sur les champs diamantifères. Là, le villageois, qui ne désespère pas de retrouver sa famille, découvre une énorme pierre, juste avant que la base rebelle ne soit attaquée par les gouvernementaux. Incarcéré par ces derniers, Solomon partage accidentellement son secret avec Danny Archer, qui veut s'approprier le diamant.

Alors que le RUF menace Freetown, la capitale, Solomon et Archer partent à la quête du diamant, accompagnés de la journaliste à qui le mercenaire a fait miroiter des informations exclusives sur la collusion entre la firme militaire privée sud-africaine qui l'emploie et les multinationales du diamant.

Leur chemin croisera celui de Dia, le fils du pêcheur, dont les rebelles ont fait un enfant soldat. Solomon Vandy sauvera-t-il son fils ? Danny Archer se rachètera-t-il ? Le film répond à ces questions de la façon la plus classique. Ces figures un peu désuètes de la fiction sont vigoureusement insérées dans une peinture saisissante d'un pays en guerre.

Réalisé au Mozambique et en Afrique du Sud, Blood Diamond recourt à des plans tournés par Edward Zwick à Freetown et dans les environs. Certaines collines sierra-léonaises ont été numériquement raccordées aux bidonvilles de Maputo. A plusieurs reprises, cette accumulation d'artifices produit un effet de réalité saisissant comme ces plans du bar où se côtoient rebelles, gouvernementaux, mercenaires, humanitaires et journalistes ou la séquence qui montre l'entrée d'Archer et de Vandy dans un village dévasté où seul demeure un vieillard.

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Cette suspension de l'incrédulité du spectateur est facilitée par deux des interprètes principaux. Répondant à d'évidentes motivations pédagogiques, le scénario a décrété que le personnage civilisé et rationnel serait l'Africain pendant que le fils de colons serait une ordure qui met ses considérables pouvoirs de séduction au service de sa cupidité. Le personnage de père de famille qu'incarne Djimon Hounsou met en relief le monstre qu'a suscité Leonardo DiCaprio.

C'est en grande partie grâce à lui que Blood Diamond parvient à ses fins. A ses fins spectaculaires d'abord, parce que les rebondissements savamment agencés servent d'accessoires à la progression du personnage. A ses fins militantes ensuite, DiCaprio fait croire à la cupidité et à l'aveuglement d'hommes prêts à détruire un pays pour quelques milliers de carats.

Sur le site du film (wwws.warnerbros.fr/blooddiamond/), un lien conduit à celui d'Amnesty International, où l'on peut se joindre à la campagne contre le commerce des diamants provenant de pays en guerre.


Film américain d'Edward Zwick avec Leonardo DiCaprio, Djimon Hounsou, Jennifer Connelly. (2 h 18.)

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