Cover On the row (2019)

On the row (2019)

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78 livres

créee il y a plus de 5 ans · modifiée il y a 4 mois

Personnages secondaires
7.1
1.

Personnages secondaires (2011)

Formas de volver a casa

Sortie : 30 août 2012 (France). Roman

livre de Alejandro Zambra

Chaiev a mis 7/10.

Annotation :

Si le fait de construire son récit par empilement de plusieurs couches narratives (alternance entre le journal d’un écrivain et ce que ces éléments censément autobiographiques deviennent une fois fictionalisés) n’est pas foncièrement original, il n’en reste pas moins intéressant d’aborder une enfance en dictature par ce biais là. Le biais du mensonge permanent, des faux semblants, des non-dits qui transforment petit à petit la réalité en une farce macabre où tout événement ne vaut que par ce qu’on lui fera dire. Vacarme factice qui sert de paravent à la lâcheté quotidienne des adultes, c’est ce malaise rétrospectif que Zambra parvient à rendre avec beaucoup de finesse.

Gibier
2.

Gibier

Sortie : 19 février 2013 (France). Roman

livre de Clément Caliari

Chaiev a mis 5/10.

Le Général sudiste de Big Sur
7.8
3.

Le Général sudiste de Big Sur (1964)

A Confederate General From Big Sur

Sortie : 1975 (France). Roman

livre de Richard Brautigan

Chaiev a mis 9/10.

La Désobéissance
7.4
4.

La Désobéissance (1948)

La disubbidienza

Sortie : 1948 (Italie). Roman

livre de Alberto Moravia

Chaiev a mis 7/10.

Cora dans la spirale
7.4
5.

Cora dans la spirale (2019)

Sortie : août 2019. Roman

livre de Vincent Message

Chaiev a mis 8/10.

Amuleto
7.6
6.

Amuleto

Sortie : 1999 (France). Roman

livre de Roberto Bolaño

Chaiev a mis 9/10.

La Clé USB
6.2
7.

La Clé USB (2019)

Sortie : 5 septembre 2019. Roman

livre de Jean-Philippe Toussaint

Chaiev a mis 4/10.

Charles dégoûté des beefsteaks
7.4
8.

Charles dégoûté des beefsteaks (1944)

Sortie : 24 avril 2015 (France). Roman

livre de Pierre Girard

Chaiev a mis 7/10.

La Montagne magique
8.9
9.

La Montagne magique (1924)

(traduction Claire de Oliveira)

Der Zauberberg

Sortie : 2016 (France).

livre de Thomas Mann

Chaiev a mis 9/10.

La Sorcière
7
10.

La Sorcière (1862)

Sortie : 1862 (France). Récit, Essai

livre de Jules Michelet

Chaiev a mis 6/10.

Nobles dames, nobles amours
11.

Nobles dames, nobles amours (1891)

A Group of Noble Dames

Sortie : 1891. Recueil de nouvelles

livre de Thomas Hardy

Chaiev a mis 8/10.

Le Mal absolu
12.

Le Mal absolu (2000)

Au coeur du roman du XIXe siècle

Il male assoluto

Sortie : mars 2009 (France). Essai

livre de Pietro Citati

Chaiev a mis 7/10.

Annotation :

Citati se lance avec cet ouvrage une gageure de taille : tenter une synthèse du roman du XIXe, autour d’un thème qui serait transversal à la majorité des grands chefs-d’œuvres du siècle, de Jane Austen à Dostoievski, de Melville à Flaubert, en passant par Dickens, Tolstoï et Manzoni, à savoir la fascination pour le Mal, notion à la fois globale et indicible. Mais force est de constater, au fil des pages, que l’entreprise lui échappe largement des mains puisqu’au lieu de remplir ce cahier des charges peut-être trop ambitieux, il semble totalement perdre de vue son point de départ et se contente d’accumuler des mini-biographies d’auteurs et d’autrices en se demandant au passage quels liens on peut déceler entre un écrivain et son oeuvre. Heureusement, les analyses déployées sont plutôt intéressantes prises une à une, car pour le reste, c’est une grosse déception : aucune vision d’ensemble, aucune réflexion cohérente sur le Mal en littérature, et l’impression tenace que le critique italien est largement passé à côté de son sujet, pourtant alléchant.

Roi, dame, valet
7.2
13.

Roi, dame, valet (1928)

Король, дама, валет

Sortie : 1971 (France). Roman

livre de Vladimir Nabokov

Chaiev a mis 8/10.

Annotation :

En choisissant pour son deuxième roman un thème aussi rebattu qu’un vieux paquet de cartes - le mari, la femme et le jeune amant, Nabokov agit déjà en vieux briscard vis à vis de son lecteur, positionnement qu’il développera tout au long de sa carrière, à différent niveaux. Celui choisi ici est clairement ironique et ludique : prendre un sujet anodin et le tourner dans sa main comme trois dés de 421, en s’attachant à chaque lâcher à provoquer l’étonnement et le rire. Car il y a si peu à faire autour de l’intrigue - comment se débarrasser de l’époux balourd - que tous les efforts peuvent être concentrés sur le style et la fantaisie du récit. Et à ce petit jeu là, avouons que le jeune Nabokov est un virtuose époustouflant. Curieusement, il y a du Queneau dans l’apprenti romancier qui fait ici ses gammes, tant souffle à chaque phrase un air surréaliste, et tant le regard posé sur le monde alentour est vif, original et d’une brillante désinvolture.

Le Vieillard et l'enfant
8.6
14.

Le Vieillard et l'enfant (1954)

Sortie : 1954 (France).

livre de François Augiéras

Chaiev a mis 8/10.

Annotation :

Il n’est pas peu dire qu’Augiéras est un secret bien gardé, ni d’ailleurs qu’il a largement contribué à cet état de fait, lui qui n’aimait que vivre loin, caché, et qui publia ce premier texte à 24 ans sous pseudonyme d’abord à compte d’auteur, puis aux éditions de Minuit. Il disait ne connaitre et n’aimer que trois auteurs : Nietzsche, Rimbaud et Gide. Anticonformisme, rupture et amoralisme, trois terme qui collent assez bien à ces quelques chapitres comme en apesanteur entre la terre rude du désert algérien et le ciel trop bleu qui écrase tout. Moi c’est surtout à Genet que ça m’a fait penser, pour l’amour de la liberté et la fascination du brutal. Mais un Genet plus doux, étonnement poétique, fort uniquement de sa fragilité. C’est l’évidence candide sous-tendant cette voix comme échappé d’un rêve - d’un cauchemar - qui surprend et envoute, comme si la plus grande innocence ne pouvait être dite et comprise que depuis le cœur de la corruption.

Le Voyage des morts
7.8
15.

Le Voyage des morts (1959)

Sortie : 1959 (France). Roman

livre de François Augiéras

Chaiev a mis 8/10.

Annotation :

Quatre ans après le Vieillard et l’enfant, Augiéras revient sur les lieux du crime, mais change de méthode. Alors que son premier récit semblait flotter dans un espace sans bornes, dans un temps sans avant ni après, cette fois il réinscrit son aventure incestueuse et violente avec son oncle du désert dans un contexte plus large, sous forme de journal. Jours après jours, il y raconte sa vie en Algérie, exil volontaire loin de Périgueux et de son enfance ennuyeuse. Oh, « raconte » est encore un bien grand mot, « évoque » disons : un peu comme si Rimbaud avait laissé derrière lui des bribes du Harar. Le ciel étoilé, les éphèbes aguicheurs, les prostituées dociles, les traversées, les veilles, les odeurs fortes, la chaleur : le jeune narrateur ne vit pas par l’esprit mais par la sensation et le corps, et c’est à cette écriture tactile que s’essaye Augiéras, avec une rare pureté, une rare sincérité.

Que ma joie demeure
7.7
16.

Que ma joie demeure (1935)

Sortie : 1935 (France). Roman

livre de Jean Giono

Chaiev a mis 8/10.

Annotation :

Cinq ans après sa trilogie de Pan, qui racontait de l’intérieur des histoires de passion et de nature se déroulant sur de lointains plateaux isolés, Giono entreprend un roman somme destiné à élargir cette vision individualiste pour un message nettement plus social. Mais heureusement, Giono est avant tout un conteur, et ce roman est plus fait pour être senti et vu que pour être compris. Il relate l’apparition d’un messie tout ce qu’il y a de plus laïc et temporel sur le plateau de Grémone où vivent loin les uns des autres quelques paysans. Bobbi, acrobate et poète, débarque de nulle part une nuit et bouleverse petit à petit les habitudes, à force de paroles et de gestes : il est celui par qui la joie arrive, l’utopiste qui va révéler à ses semblables le germe de la libération. Mais toute la complexité et l’ambiguïté de Giono est dans le titre, une prière pour que la joie, une fois advenue, puisse perdurer. Car il n’est pas ici question de mots d’ordres béats et de leçon de savoir être, mais bien d’une lutte permanente et peut-être, surement, perdue d’avance. La joie prônée et espérée par Bobbi n’est qu’une petite allumette dans la nuit, qui flamboie et s’éteint, perdue au milieu d’une boite qu’il s’agit de vider une à une de ses petits morceaux de bois soufrés pour avancer, tant bien que mal, dans les ténèbres.

« On a l’impression qu’au fond les hommes ne savent pas très exactement ce qu’ils font. Ils bâtissent avec des pierres et ils ne voient pas que chacun de leurs gestes pour poser la pierre dans le mortier est accompagné d’une ombre de geste qui pose une ombre de pierre dans une ombre de mortier. Et c’est la bâtisse d’ombre qui compte ».

Un fantôme
8.3
17.

Un fantôme (1995)

Sortie : 15 octobre 1995.

livre de Éric Chevillard

Chaiev a mis 8/10.

Annotation :

Hasard du calendrier, après le spectre de Bennett, le fantôme de Chevillard ! Mais au-delà du titre, pas grand chose à voir, ici on est plutôt du côté de Michaux, avec le portrait kaléidoscopique de Crab, héros impossible et pourtant bien vivant, comique à force d’être tragique, qui offre à l’auteur une nouvelle occasion de creuser d’une plume assassine et amusée toutes les blessures secrètes de l’être.

Le Spectre
18.

Le Spectre (1907)

The Ghost

Sortie : 1907. Roman

livre de Arnold Bennett

Chaiev a mis 6/10.

Annotation :

Etrange incursion du très réaliste Bennett dans le domaine du fantastique, mais peut-être est-ce là une façon pour lui de rendre une nouvelle fois hommage à son maître Maupassant qu’il aimait tant. Reste que cette histoire de revenant qui se déroule dans le milieu de l’opéra peine un peu à convaincre, même si elle se lit avec plaisir. Il y a un coté très XIXe avec ces divas, ces atmosphères sombres et pluvieuses, ces allers retours entre Londres, Bruges et Paris, comme dans un bon vieux feuilleton à la Eugène Sue, que saura très bien reprendre à son compte Gaston Leroux 3 ans après.

L'Affaire Deltchev
19.

L'Affaire Deltchev (1951)

Judgment on Deltchev

Sortie : 1951.

livre de Eric Ambler

Chaiev a mis 8/10.

Annotation :

Eric Ambler, nettement moins connu en France que dans les pays anglo-saxons, occupe une place à part dans le roman d’espionnage grâce au soin qu’il a toujours porté à élaborer des personnages complexes et des situations romanesques qui font de ses livres des oeuvres à haute valeur littéraire plutôt que de simples divertissements vite lus vite oubliés. Son écriture est fine, précise et éminemment visuelle, et ce n’est pas un hasard si Hitchcock le prisait tout particulièrement (malheureusement il n’a jamais réussi à faire aboutir son projet d’adapter le Masque de Demetrios). Dans l’Affaire Deltchev, on retrouve son goût pour les héros ordinaires lâchés dans une intrigue policière qui les dépasse : ici un auteur de théâtre britannique envoyé dans un pays de l’est juste après la guerre, pour couvrir le procès d’un ex-dirigeant accusé de haute trahison. Ambler tisse autour de ce narrateur devenant enquêteur malgré lui une toile d’araignée de plus en plus embrouillée, qui lui permet d’analyser sans manichéisme les rouages du pouvoir et du totalitarisme.

Pastorale américaine
7.7
20.

Pastorale américaine (1997)

American Pastoral

Sortie : 23 avril 1999 (France). Roman

livre de Philip Roth

Chaiev a mis 6/10.

Annotation :

Des quelques vingt ans pendant lesquels j’ai fait l’impasse sur la littérature étasunienne, Roth était un peu le seul pour qui je faisais volontiers un écart, tant me plaisait la charge contre son propre pays et les méandres complexes de ses constructions littéraire. Et puis en découvrant Pynchon, Wallace, Robbins et tutti quanti, je l’ai un peu relativisé, sans compter que ses tous derniers opus n’avaient pas la splendeur des premiers. J’avais quand même un peu mauvaise conscience d’abandonner mes premières amours, et me voilà reparti dans les aventures de Zuckerman, double du romancier depuis tellement de décennies. Force est de constater que j’ai tout d’abord eu énormément de mal à avancer dans le roman : je me suis forcé à arriver à la moitié pour décider si je continuais ou non le pavé, et sans cette contrainte, je crois que j’aurais arrêté au bout de 100 pages : la mayonnaise est longue à prendre. Quelque chose grippe, comme si l’auteur lui-même avait du mal à se décider à plonger dans le grand bain, pour suivre les états d’âme de son héros trop parfait, un ami d’enfance tellement heureux d’avoir su se fondre dans le rêve américain jusqu’au moment où il doit se confronter à la face sombre de son pays, représentée en l’occurrence par sa fille qui en quelques années devient une terroriste en lutte contre la société de consommation et le libéralisme à outrance.
Malgré tout, Roth a du métier, et sait tout de même très bien camper des personnages et des situations. Il y a dans le roman une mise en oeuvre du désenchantement - celui du héros et celui de l’écrivain - qui ne manque pas d’intéret, mais c’est au prix d’une certaine pesanteur, comme si la boue remuée était trop lourde pour que le romancier puisse réellement faire décoller son récit.

Trauermarsch
21.

Trauermarsch

L'orchestre de Paris dans l'Argentine de la dictature

Sortie : 6 octobre 2016 (France). Essai

livre de Esteban Buch

Chaiev a mis 9/10.

Annotation :

Musicologue et directeur du centre de recherche sur les Arts et le langage à l’EHESS, Buch réussit avec son Trauermarsh un joli tour de force : mener une réflexion sociologique et politique autour d’une oeuvre d’art (la 5e de Mahler) tout en exploitant de manière brillante la place depuis laquelle il écrit : un Argentin qui avait 17 ans en pleine dictature de Videla. Son point de départ est donc la venue de l’Orchestre de Paris à Buenos Aires en juillet 80, avec à sa tête Daniel Barenboim - chef un Argentin d’origine qui avait quitté le pays en 1952 pour s’installer en Israël. S’interrogeant sur le rôle que peut, ou non, jouer une oeuvre musicale pour lutter contre une dictature, Buch développe son propos en trois cercles concentriques : le contexte politique tendu de l’année 80 (avec les deux camps qui s’affrontent, ceux qui pensent que la tournée sera une occasion de dénoncer les crimes des généraux , et ceux qui trouvent qu’il s’agit là d’une insupportable compromission), les deux heures du concert, avec une analyse musicologique de la partition jouée ce soir là, puis une réflexion plus large sur la place de la musique en dictature, fondée sur son expérience personnelle autour d’une chanson d’un groupe de rock qui fut très célèbre cette année-là.
La grande intelligence de l’ouvrage est en fait de savoir se poser des questions cruciales sans s’obliger forcément à défendre une position tranchée : explorer les nuances, les apories, les impasses et les contradictions de situations forcément complexes. Sur les trois points explorés, il sait mettre sa pensée en danger, et refuser les conclusions trop faciles qu’on tire « après coup ». Il en résulte un magnifique texte qui parle autant de militantisme, de nostalgie et de la puissance, parfois insuffisante mais toujours vitale, de l’art comme lutte contre la violence et l’injustice.

Les Amours de Psyché et de Cupidon
7.1
22.

Les Amours de Psyché et de Cupidon (1669)

Sortie : 1669 (France). Conte, Poésie

livre de Jean de La Fontaine

Chaiev a mis 7/10.

Annotation :

En 1669, date de composition de ce conte expérimental, La Fontaine n’est pas encore le fabuliste renommé que tous les enfants de France connaissent par coeur, et aimerait bien faire oublier à Louis XIV son amitié avec Fouquet disgracié afin de retrouver dans le roi Soleil un nouveau protecteur.
Il imagine donc la promenade de quatre ami (derrière lesquels on n’a pas manqué de reconnaitre le quatuor qu’il formait alors avec Boileau, Molière et Racine) dans les nouveaux jardins de Versailles : une occasion pour s’extasier sur le génie du monarque et pour écouter le narrateur lire sa nouvelle oeuvre, un conte tiré d’Apurée racontant les tribulations d’une mortelle, Psyché, qui a le malheur d’attirer l’attention d’Amour, le fils de Vénus. Dès lors, ces récits enchâssés sont l’occasion pour La Fontaine de faire montre de sa grande dextérité : mélange des genres (mythologie, élégie, aventures, fantastique) et mélange des styles (courtois, léger, prose, vers) pour mener un récit qui s’attache à créer chez son lecteur-auditeur (puisque l’énorme mérite de l’écriture de La Fontaine est d’être aussi formidable lue qu’écoutée) toute une palette d’émotion allant du rire à la pitié. C’est le baroque dans toute sa splendeur.

La Peau de chagrin
7.3
23.

La Peau de chagrin (1831)

Sortie : 1831 (France). Roman

livre de Honoré de Balzac

Chaiev a mis 9/10.

Annotation :

Après 30 ans passés à dire que malgré ma passion pour Nono, « ah ben non celui là, j’ai pas du tout envie », soudain je me suis demandé pourquoi. Bon d’abord, j’ai toujours cru que c’était une nouvelle. Et puis le côté fantastique me faisait un peu peur. Je sais pas, en gros je m’étais dit que la réputation devait être usurpée (un peu comme le Tour d’Ecrou de James en fait) Mais en tombant dessus l’autre jour sur une étagère, j’ai réalisé qu’en fait c’était un roman conséquent, or du coté de la Comédie Humaine, plus les mois passent et plus la denrée se fait rare ! Alors qu’à cela ne tienne, j’ai foncé… et découvert l’ampleur de la méprise ! Non seulement ça n’a rien d’affreux, mais en fait c’est absolument merveilleux.
Encore un peu débutant, sans tout le poids de sa cathédrale sur le dos, Balzac y déploie des trésors d’imagination et de fraicheur. Il part dans tous les sens, comme un chien qui furète, à l’affût d’un geste, d’une attitude, d’un portrait piquant. C’est peut-être à cette orée qu’on voit le mieux à quel point est profonde son envie d’être le Dante du Paris de son époque : il lui faut des paradis et des enfers pour pouvoir s’y plonger complètement. Enfer de la débauche donc, paradis de l’amour vrai, et entre les deux, Raphaël écartelé à mesure que la peau diabolique rétrécit. On ne peut en dire plus au risque d’en dire trop, mais cette réputation de « conte fantastique » est à mon avis bien à côté de la plaque. A aucun moment Honoré ne se prend les pieds dans le motif qu’il a trouvé, il l’utilise au contraire avec la plus grande dextérité pour dynamiser la trajectoire tragique de son héros : comme si c’étaient les désirs de ce dernier qui avait fait naitre la Peau, et non l’inverse. Allégorie en somme des 20 ans que Balzac s’apprête à vivre, perdant d’une main sa force vitale, au fur et à mesure qu’il remplit de l’autre son grand’œuvre.

« Cette figure avait encore vingt-cinq ans, et le vice paraissait n’y être encore qu’un accident. La verte vie de la jeunesse luttait encore avec les ravages d’une impuissante lubricité. Les ténèbres et la lumière, le néant et l’existence s’y combattaient en produisant tout à la fois de la grâce et de l’horreur. Le jeune homme se présentait là comme un ange sans rayons, égaré dans sa route. Aussi tous ces professeurs émérites de vices et d’infamie, semblables à une vieille femme édentée prise de pitié à l’aspect d’une belle fille qui s’offre à la corruption, furent-ils près de crier au novice : - Sortez ! »

Le Jardin des Finzi-Contini
7.7
24.

Le Jardin des Finzi-Contini

Il Giardino dei Finzi Contini

Sortie : 1962 (France). Roman

livre de Giorgio Bassani

Chaiev a mis 6/10.

Annotation :

Avant d’être le roman d’un amour raté, ou d’une période historique troublée, le texte de Bassani est surtout une réflexion sur la mémoire et le souvenir. Tout le récit est construit autour d’un narrateur vieillissant qui se souvient de ses premiers émois, au temps de l’Italie fasciste et antisémite, alors que sa vie d’adolescent et d’étudiant allait se restreindre de plus en plus autour de la demeure de la pimpante Micol Finzi-Contini. Ce décalage de trente ans entre les évènements et leur relation permet une sorte d’apesanteur : il s’agit d’évoquer plus que de raconter. Projet à double tranchant, car si l’écriture très visuelle de Bassani est agile à dépeindre le jardin éponyme, les vieilles demeures, les rues étranges de Ferrare, et les longues conversations qui ne mènent à rien, reste que le roman fait assez vite du sur place, englué dans cette étrange temporalité qui précède toute tempête.

« Elle le sentait très bien : pour moi, non moins que pour elle, ce qui comptait c’était, plus que la possession des choses, le souvenir qu’on avait d’elles, le souvenir en face duquel toute possession ne peut, en soi, apparaître que décevante, banale, insuffisante. Comme elle me comprenait ! Mon désir que le présent devînt tout de suite du passé, pour pouvoir l’aimer et le contempler à mon aise, était aussi le sien, exactement pareil. C’était là notre vice : d’avancer avec, toujours, la tête tournée en arrière »

Omar et Greg
7.1
25.

Omar et Greg (2018)

Sortie : 14 septembre 2018. Récit

livre de François Beaune

Chaiev a mis 7/10.

Annotation :

Curieux que dans sa courte introduction, Beaune compare ses textes à un double de la Comédie Humaine, tant la forme choisie est loin du récit balzacien, toujours si personnel, si foisonnant, si subjectif. Ici au contraire, il n’y a que du matériau brut, découpé volontairement à la hachette, tiré directement à la source, de longues discussions avec les intéressés, retranscrites sans fioritures ni commentaires. Le romanesque est dans les propos certes, mais pour le reste, et c’est tant mieux, on dirait un très long article de magazine, comme le Tigre par exemple en avait le secret (soupir de regret). L’autre différence, et de taille, avec Honoré, c’est que rien dans tout ce double témoignage ne saurait tenir lieu de généralisation, ou d’exemplarité quelconque : deux paroles tout à fait singulière, assez passionnantes à décortiquer mais représentatives de rien du tout, si ce n’est de la complexité de certains parcours, de certaines mentalités.
Et c’est peut-être en ça que la forme choisie par Beaune est si importante : car toute fictionnalisation aurait eu pour conséquence de faire de ces deux là des emblèmes, porteurs d’espoir, alors qu’ils ne sont que des exceptions dans le marasme politique actuel. Deux individus capables de réfléchir au delà des limites imposées par leurs origines sociales, mais qui ne représentent finalement aucune porte de sortie possible : l’un comme l’autre ayant, et on les comprend, préféré tout abandonner plutôt que de devoir frayer avec des ambitieux sans foi ni loi, qui malgré ou grâce à leur médiocrité, furent et seront selon les époques les gagnants d’hier ou les vainqueurs de demain.

Les Allées sombres
8.3
26.

Les Allées sombres (1946)

Sortie : 1946. Recueil de nouvelles

livre de Ivan Bounine

Chaiev a mis 7/10.

Annotation :

C’est assez significatif que chacune de ces 38 nouvelles, souvent extrêmement courtes, soient scrupuleusement datées, au jour près, comme si Bounine voulait malgré tout lier ces innombrables bulles de souvenirs (toutes les histoires se passent dans le monde d’hier, celui de la Russie d’avant 17) à sa situation présente : l’exil, la guerre mondiale qui fait rage, la vieillesse. Ces dates qui ponctuent régulièrement la lecture sont comme un récit dans le récit, souterrain, crypté, au sens tenace mais ambigu. Elles renforcent également le sentiment de journal intime qui se dégage de cet amassement d’anecdotes qui, même si elles piochent dans toutes les couches sociales russes, ne font que tourner autour d’une toute petite poignée de thèmes : le désir, l’amour impossible, la passion qui se termine en meurtre. C’est d’ailleurs à force de se répéter que Bounine finit par émouvoir : de la même façon que plus on répète un mot et plus il perd son sens, pour ne devenir qu’un son, qu’une musique. Ici, la mélodie de l’auteur est celle de la perte évidemment, de la nostalgie même : mais - semblent dire ces bégaiements - pas pour son côté tragique ou pathétique, plutôt pour une certaine forme d’ironie esthétique qui sent que l’art ne peut œuvrer que sur des traces et des fantômes.

Mr. Noon
27.

Mr. Noon (1984)

Mr. Noon

Sortie : 1985 (France). Roman

livre de D. H. Lawrence

Chaiev a mis 9/10.

Annotation :

Cruelle ironie du sort, ou hésitation procrastinatrice ? Toujours est-il que Lawrence laissa son roman inachevé et ne chercha jamais à le publier, et c’est assez amusant de se dire que cette attente de 50 ans (le temps qu’on retrouve un manuscrit par hasard), aura laissé dans l’ombre une des multiples facettes de DH, et pas la moindre : son humour ! Il n’y a que dans La Jeune Fille, écrit d’ailleurs dans les mêmes années, qu’un semblant de légèreté affleure, sinon, quelque large que soit la palette de Lawrence, c’est très rare que le rire entre en ligne de compte. Or ici, c’est le vecteur qu’il choisit pour varier le thème qu’il remet une nouvelle fois sur le tapis, et qui était déjà à l’œuvre dans tous ses romans précédents : le travail douloureux de libération des chaines sociales et psychologiques pour une lente appropriation de soi.

Cette fois donc moins d’introspection angoissée, moins de sentiments océaniques, mais à la place un lâcher-prise et une liberté de ton absolument jubilatoire : Lawrence s’adresse à ses lecteurs (en fait à ses lectrices comme il le précise très vite), les prend à témoin, établit une complicité ludique et décomplexée. Il se moque, revient sur les critiques qu’on a pu lui faire, prend de la distance, fait des clins d’œil : cette fois sa façon d’exister ne réside pas tant dans ce qu’il raconte que dans la façon de souligner les voies pour le raconter. Et tout est alors affaire d’équilibre : ne pas en faire trop non plus, savoir intervenir quand il le faut, et parvenir à ne pas convoquer les évènements juste pour les commenter. C’est là qu’on perçoit toute la richesse de la démarche lawrencienne : tendre un fil toujours différent sur des abîmes inquiétants pour s’adonner au sport le plus risqué et le plus exaltant : apprivoiser le vertige d’être humain.

« Ayant ainsi excusé nos personnages et démontré qu’ils étaient doués d’un solide sens commun ; ayant révélé qu’ils savaient que les pétales de roses donnent mal au ventre, que les choux-fleurs sont délicieux et que le diner du dimanche constitue la clef de voute de l’arche domestique - arches répétées sur lesquelles la société repose ; ayant prouvé que les Bostock ont du cran et un solide jugement britannique, nous pouvons poursuivre notre récit en faisant montre d’une plus grande autosatisfaction »

L'Art de dépeindre
28.

L'Art de dépeindre (1984)

La peinture hollandaise au XVIIe siècle

The Art of Describing : Dutch Art in the Seventeenth Century

Sortie : avril 1990 (France). Essai, Peinture & sculpture

livre de Svetlana Alpers

Chaiev a mis 8/10.

Annotation :

Ce qui est fort agréable avec Alpers, c’est qu’à aucun moment elle ne fait taire son instinct pour privilégier la voie cérébrale. Elle aime les idées certes, mais elle ne se laisse jamais aveugler par leur logique, et semble la première à se remettre en question à la moindre occasion, comme pour tester de l’intérieur la validité et la pertinence de ce qu’elle avance. Dans cet opus, la question est de voir si l’on peut, et selon quelles modalités, poser que la différence entre Art Italien et Art Hollandais repose sur la relation au Monde : un monde à recréer selon un idéal pour le premier, un monde à observer et à retranscrire pour le second. Mais puisque la méthode Alpers consiste à ne pas s’enfermer dans des structures trop rigides et définitives, cette enquête nous mêne par des sentiers délicieusement serpentant au travers du XVIIe siècle flamand. L’occasion d’apprendre à voir, et par conséquent à regarder, les tableaux différemment.

Ainsi va toute chair
8.2
29.

Ainsi va toute chair (1903)

The Way of All Flesh

Sortie : 1921 (France). Roman

livre de Samuel Butler

Chaiev a mis 8/10.

Annotation :

Première surprise, je ne sais si c’est d’avoir lu en diagonale la 4e de couverture ou quoi, mais je m’attendais à un truc un peu sinistre, et je fus donc fort surpris de découvrir l’humour et la fantaisie de Butler, parfait représentant du british wit, tout en ironie et en second degré of course. Je pense aussi que c’est le côté « pasteur anglais » qui m’a fait ça, je dois avoir un a priori du genre : vicaire = chiant. D’ailleurs le problème de la foi et de la vocation est assez présent dans le livre, c’est en tout cas un temps le principal souci du jeune héros, et c’est sûrement le point qui m’a le moins emballé. Mais il est vite noyé dans la masse foisonnante de ce merveilleux bildungsroman, raconté, délice suprême, par le parrain de l’intéressé qui suit les hauts et les bas de son protégé avec une distance et une désinvolture confondantes, et une amoralité réjouissante : haine de la famille, du conformisme, du confort bourgeois, de l’hypocrisie sous toutes ses formes, bref un merveilleux terreau pour qui veut faire pousser une belle plante romanesque.

Les Tudors
6.5
30.

Les Tudors

Sortie : septembre 2010 (France).

livre de Liliane Crété

Chaiev a mis 6/10.

Annotation :

Alors niveau réflexion historique, c’est franchement faiblard ce qui est bien dommage vue la période traitée. Avec la fin de la guerre des deux roses, la sortie du Moyen Age, le virage de la Renaissance, les guerres de religion, on était en droit de s’attendre à un peu plus de mises en perspectives et de problématisation. Au lieu de ça, Crété préfère rester au ras des pâquerettes, et raconter sagement les anecdotes qui émaillent les 5 règnes de cette courte dynastie, marqués surtout par les figures d’Henry VIII et de sa fille Élisabeth Ière (82 ans de règne à eux deux sur les 118 années qu’auront tenu les Tudors). Dommage, même si les anecdotes en questions sont éminemment romanesques et se lisent donc avec plaisir.

Chaiev

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