Dans les jours qui viennent commence une nouvelle étape qui nous permettra peut-être de retrouver progressivement une part de liberté.
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 La Lettre du 23 mai 2020
 
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Bonjour à chacune et chacun,

Le déconfinement est un processus lent. Les précautions sont nécessaires. Force est de constater que les travailleurs et les travailleuses à haute utilité sociale n’ont pas été confiné•e•s, quant à celles et ceux qui l’ont été prennent aujourd’hui beaucoup de risques, que ce soit dans les transports publics ou sur leurs lieux de travail.
 
Municipales : une campagne sans débat ?

S’il est vrai que les chiffres sont à la baisse, de nombreux travailleurs ont néanmoins encore été contaminés ces derniers jours, notamment dans plusieurs abattoirs. C’est dans ces conditions que le Premier ministre a annoncé la tenue du deuxième tour des élections municipales pour le 28 juin. Je sais à quel point ces choix sont difficiles. Il n’y a jamais de solution parfaite. Je ne suis pas en accord avec ce choix. En effet, on confond deux choses. Il y a d’une part la journée des élections elle-même, qui soulève plusieurs questions d’ordre sanitaire avec la tenue du bureau de vote qui implique une certaine logistique (présence de personnel administratif, assesseurs, président de bureau, circulation des électeurs, etc.).
 
Et puis il y a le débat démocratique, élément indispensable dans toute campagne électorale et qui n’est pas possible dans les conditions actuelles. D’autant plus que la situation que nous traversons aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celle que nous connaissions lorsque le processus électoral a été suspendu. Les programmes municipaux – en tout cas ceux des communistes – seront modifiés pour s’adapter et tenir compte de l’ampleur de la crise multiforme qui vient. Or, tout est fait pour « dépolitiser » les enjeux.
 
Or, il est évident que toutes les politiques locales ne s’équivalent pas. Loin de là. Un maire qui servirai de relai de la politique gouvernementale, un maire de droite, ce n’est pas la même chose qu’un communiste ou un progressiste agissant dans l’union. De plus, la période de confinement que nous venons de traverser vient de démontrer (s’il en était encore besoin) l’importance vitale des collectivités locales, et notamment des communes, qui se sont battues en première ligne pour pallier à la fois aux déficiences d’un Etat défaillant ainsi qu’aux méfaits causés par des politiques néolibérales et leurs conséquences sur les services publics, la protection sociale et la redistribution des richesses.
 
Il est urgent de repenser ces élections municipales à travers une grille de lecture qui prenne la mesure de l’importance du rôle joué par les titulaires des pouvoirs publics locaux, au risque de graves déboires. Ajoutons qu’il n’est pas dit qu’électrices et électeurs se pressent aux urnes ; l’inquiétude encore présente aura sûrement un impact sur le niveau de participation. Que vaut dans ces conditions une élection sans électeurs pour la suite ?
 
 
 
La santé n’est pas une marchandise
 
Sous le titre « La santé n’est pas une marchandise », j’ai voulu revenir dans mon éditorial de L’Humanité–Dimanche sur le bien public que constitue la santé, après les abjectes déclarations du président du groupe SANOFI. En effet, la vie, la santé, l’accès aux médicaments devraient être des droits universels. Ce statut s’oppose évidemment à la logique capitaliste ou tout doit être transformé en profit, jusqu'à nos propres vies : nos vies au travail, nos vies de consommateurs, nos vies chez le médecin puis à l’hôpital, etc. En conséquence les oligopoles du médicament doivent revenir à la propriété publique commune. Elles le doivent d’autant plus qu’il s’agit d’entreprises gavées d’argent public et qui bénéficient amplement du travail de la recherche publique, sans parler des réductions des impôts sur les capitaux et autres assortiments de « crédit impôt compétitivité ou recherche ».
 
Au début de mon texte j’appelle à soutenir une proposition portée par l’Organisation mondiale de la santé en faveur d’une coopération internationale pour mettre au point un vaccin contre le Covid-19 accessible universellement. Compte tenu de la place « limitée » pour un tel éditorial je me dois de préciser ici que je soutiens là un principe, une proposition qui est évidemment le résultat d’un consensus entre des gouvernements, avec un silencieux assentiment des pays composant le G20.

Ce principe proclamé est une base, une porte d’entrée pour l’action des travailleurs et des peuples. Mais ces textes ne conduisent pas à l’accès universel, gratuit aux médicaments. La commission européenne a aussi lancé un projet rejoignant les propositions de l’OMS, avec les gouvernements français, allemand, italien, britannique, norvégien, du Canada et d’Arabie saoudite avec la collecte d’un fond de financement de 7,5 milliards d’euros pour un programme mondial de coopération en matière de recherche pour lutter contre le Coronavirus- baptisé « Access to COVID-19 Tools Accelerator » (ACT).
 
 
Lire ici l’éditorial de L’Humanité Dimanche
 
 
Ces initiatives doivent être étudiées minutieusement. Il convient d’y faire surgir les contradictions pour que les citoyen•ne•s soient informé•e•s au mieux.
 
  1. Il ne s’agit pas pour l’instant d’une réponse mondiale puisque certains pays comme les Etats-Unis n’y participent pas ; ceux-ci ne veulent d’ailleurs plus payer leurs cotisations à L’OMS. Le Brésil, la Russie, la Chine n’en sont pas non plus. Cela signifie que la recherche sera dominée par une violente concurrence pour les brevets et donc pour « gagner le marché de la lutte contre le Covid-19 ». Un marché déjà estimé à plusieurs milliards d’euros.
  2. La nature du programme est loin de faire vivre la notion de droit universel à la santé puisqu’il est bâti sur le modèle du « partenariat public-privé ».
  3. A aucun moment les programmes de la Commission européenne et celui de l’OMS n’abordent la question des brevets. Logique : la Banque mondiale a toujours défendu la brevetabilité du vivant et de l’intelligence artificielle ; la Commission européenne agit dans le cadre de la directive-cadre votée en 1998 sur les droits de propriété intellectuelle privés. C’est une très bonne une illustration du cadrage des activités par des institutions mises au service de l’oligarchie capitaliste. En apparence, pour le « grand public », le brevet est le fer de lance d’une politique de vie (ou de mort) dominée par une minorité détentrice du capital et exploitant par avance celui à venir. Et, dans ce système, le travail de recherche et d’expertise ainsi que les mécanismes publics de ressources financières sont mis au service de la production et de la commercialisation de brevets privés monnayables.
  4. Ajoutons que le droit universel à la santé est désormais remplacé par les mots « accès équitable et abordable ». Ainsi, le texte de l’OMS dit « notre mission est non seulement d’accélérer le développement et la fourniture de nouveaux outils contre le Covid-19, mais aussi d’accélérer l’accès équitable dans le monde entier à un diagnostic, un traitement et des vaccins sûrs, de qualité, efficaces et abordables conte le Covid-19 ». Quant à la Commission européenne, elle indique « nous devons faire en sorte que son prix soit abordable ».
 
Autrement dit, le vaccin reste avant tout un produit industriel, une marchandise ayant un prix. Mais à quel prix est calculé « l’accès équitable et abordable » à un traitement ? 1000 euros représentent-ils la même chose en Inde, à Dakar, à Paris ou à New-York ? Ce prix va-t-il varier pour rester « abordable » ? Ou sera-t-il indexé sur le cours des actions de SANOFI ou de Bayer à la bourse ?

Avoir remplacé les mots « droit universel à la santé » constitue une régression majeure de ces quarante dernières années. Au passage, la Constitution française est violée puisque qu’elle proclame dans le 11ème alinéa de son Préambule que la santé est un droit. Aujourd’hui, la politique de santé est de ce fait réduite à une question de gestion administrative. Et de gestion économique régulée (ou plutôt dérégulée) par les voraces forces du marché capitaliste. Ainsi s’est créé une nouvelle caste, celle des « seigneurs de la vie » qui ont obtenu d’Etats souverains la prérogative de dicter la politique de santé et la politique de la vie. Les mêmes magnats du médicament sont aussi ceux qui fabriquent engrais et pesticides, qui déposent des brevets sur le vivant s’enrichissent au dépens de notre santé avec les OGM.
 
Un combat populaire mondial est à mener pour éliminer les monopoles et oligopoles industriels, commerciaux et financiers privés sur le vivant. Le combat pour déclarer l’eau et la santé comme droit universel intégral, indivisible et non négociable doit être relancé. De ce point de vue, l’appel du 14 mai à l’initiative du président Sud-Africain signé par par des dizaines de chefs d’Etat et de ministres est une très bonne voie pour progresser vers ce droit universel.
 
 
Une crise économique, sociale et structurelle
 
La crise sanitaire va muter en crise économique et sociale. Elle sera aussi structurelle, et violente. Il y a tout d’abord les facteurs objectifs comme le recul de la consommation, les coûts des frais fixes à honorer, les échéances de crédits… Rappelons que le taux d’endettement des entreprises comparé aux richesses produite était de 135% en début d’année. Le chômage partiel et la non-revalorisation des petits salaires vont accentuer « une crise de la demande ». S’y ajouteront l’arrêt d’activité et de services dans des secteurs comme le tourisme ou les transports, avec milles effets répercutés sur les filières de production et les territoires. Beaucoup de petites et moyennes entreprises pourraient ne pas survivre. Les plus puissantes vont tout faire pour ajuster leurs coûts de production.

On risque donc d’assister à deux phénomènes. D’abord une nouvelle concentration du capital. D’autre part une tentative de peser à nouveau sur le partage de la valeur ajoutée à venir au détriment de la rémunération du travail.

Autrement dit, les mandataires du capital au pouvoir appellent à une relance (et non à une reconstruction) au prix de contre-réformes structurelles qui va désarmer le monde du travail tout en réduisant davantage sa part dans le partage de la plus-value.
 
D’ailleurs, il a été peu relevé que l’accord Macron-Merkel du 18 mai – relayé à grand renfort de médias – pour une « relance » est mis à la disposition des « Etats s’engageant à des réformes ». L’idée est de poursuivre ainsi un soutien à l’activité en lien avec « l’adaptabilité des travailleurs » par les réformes qu’ils subiront afin de sauvegarder les marges des entreprises. Cette stratégie sera inefficace. Elle mettra encore plus à nue la stratégie choisie par la France dans le cadre de la division internationale du travail avec des spécialisations dans le tourisme de masse et les parcs d’attraction géants, l’industrie concentrée autour du transport, aérien et bateaux de croisières, l’armement, et les services aux entreprises poussées par la sous-traitance. Surtout elle ne répond pas aux nécessaires enjeux de reconstruction sociale, environnementale, démocratique. Ajoutons que la stratégie de baisse de l’imposition sur le capital au nom de « l’innovation » aura pour conséquence la poursuite de la destruction de l’Etat social. Cette orientation est très dangereuse sur le plan social mais aussi sur le plan politique, car elle sera à même de raviver la peste brune si les forces syndicales et politiques progressistes ne parvenaient pas à prendre les enjeux actuels à bras le corps en mettant au moins en débat des propositions alternatives.

Une grande question démocratique

Il convient d’alerter sur le grand massacre qui est en train de se produire pour la presse d’information politique et générale. L’écroulement des recettes publicitaires, comme des petites annonces, la diminution des ventes due aux difficultés de La Poste et la fermeture de Maisons de la presse (aggravée encore par la situation de Presstalis et de la distribution), l’annulation d’événements de débats, de forums ou de d’initiatives culturelles sont en train de provoquer en silence un puissant cocktail qui peut mettre à bas plusieurs journaux nationaux et régionaux. Certes, les journaux adossés à des grands groups vont s’en sortir ; ils seront sans doute recapitalisés. Ce ne sera pas le cas de L’Humanité et d’autres notamment dans la presse régionale. Or, curieusement l’Etat reste silencieux sur cette situation alors que d’autres pays comme l’Italie ou le Royaume-Uni ont pris des dispositions pour soutenir la presse. La laisser mourir, c’est amputer un service d’intérêt général ; c’est laisser s’étouffer la démocratie. Il y a urgence – il faut agir !

L’aide publique aux quotidiens à faibles ressources publicitaires doit être considérablement réévaluée. La TVA sur la presse doit devenir nulle comme c’est le cas au Royaume-Uni. L’aide aux lectrices et lecteurs pour accéder à un abonnement doit se concrétiser par une déduction fiscale. Le fond stratégique de la presse doit retrouver sa fonction inititiale de modernisation des journaux et de leurs plateformes numériques.
 
 
 
En vous souhaitant en bonne santé et une bonne semaine.

Amicalement,

Patrick Le Hyaric 
 
 
Revue TAF - Travailler au futur n°2
Chiffres, informations, expertises, entretiens, portraits, littératures, cinémas et représentations... L’enjeu des inégalités de droit et de revenus parcourt ce deuxième numéro de la revue entièrement consacré au travail des femmes en France et dans le monde. Avec les expressions des grandes centrales syndicales et de nombreuses personnalités féminines.
 
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