La disparition du Parti communiste français du Parlement européen est un événement dont il faut mesurer tous les effets et conséquences. Sa présence depuis la création de cette instance en 1979 a permis, malgré les freins institutionnels et le carcan de traités, de faire progresser nombre de combats, et très souvent de révéler des projets négatifs pour la vie quotidienne
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La Lettre du 30 mai 2019
 
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Bonjour à chacune et chacun
 
 
 
Mon éditorial de la semaine pour L’Humanité Dimanche porte sur les résultats des élections européennes.
 
 
L'éditorial de L'Humanité Dimanche
 
 
 
Le combat continue ! 
 
La disparition du Parti communiste français du Parlement européen est un événement dont il faut mesurer tous les effets et conséquences. Sa présence depuis la création de cette instance en 1979 a permis, malgré les freins institutionnels et le carcan de traités, de faire progresser nombre de combats, et très souvent de révéler des projets négatifs pour la vie quotidienne dont les traités fondamentaux notamment Maastricht et le projet de constitution européenne dès 2004 ou la directive dite « Bolkeintein » par Francis Wurtz. La présence communiste et de ses alliés fut au long de ces décennies reconnue pour son apport dans les luttes sociales et internationalistes et son engagement, certes difficile, à protéger et fédérer le monde du travail et de la culture à l’échelle européenne. Les parlementaires communistes ont été des acteurs décisifs des combats contre tous les traités et directives qui ont consacré la libre concurrence et l’essor de l’intégration capitaliste de la construction européenne. Ils ont fait connaitre les rouages des institutions européennes, les plans qui s’y concoctaient entre Etats et puissances d’argent, offrant arguments et analyses pour les luttes sociales, politiques, environnementales, culturelles.
 
Je ne reviendrai pas ici sur le bilan des deux mandats que j’ai consacré avec toute mon énergie à représenter et défendre nos concitoyens dans cette instance. J’ai à chaque session parlementaire ou réunion de commission importante fait des comptes rendus (toujours disponibles en cliquant ici). Si beaucoup de combats ont été perdus à cause d’un rapport de force défavorable, beaucoup de nos positions, votes et propositions ont permis de faire progresser le débat européen et de peser sur des orientations favorables aux intérêts populaires. La présence des communistes français au Parlement européen était également un point d’appui pour de nombreux militants politiques, associatifs, syndicaux, et nombre d’intellectuels pourchassés dans leur pays, soucieux de tisser des liens avec les forces progressistes au cœur des institutions européennes. C’est à nos camarades palestiniens, kurdes, turcs, d’Amérique latine ou d’Afrique que je pense aujourd’hui qui ne bénéficieront plus, dans la prochaine mandature, du soutien qu’ils jugeaient précieux des parlementaires communistes français.
 
L’absence de représentation parlementaire communiste ne doit pour autant pas signifier l’abandon du combat européen. Il va falloir dans les prochains mois travailler à assurer une présence communiste sous une forme nouvelle et fournir une analyse régulière des enjeux européens en continuant à créer des ponts avec toutes les forces, notamment avec les parlementaires qui siègeront dans le groupe de la Gauche Unitaire Européenne, qui, bien qu’affaiblie dans de nombreux pays, continuent d’œuvrer à une alternative sociale, démocratique et écologique en opposant coopération et solidarité au règne de la concurrence et du profit. J’y consacrerai, avec d’autres, une part de mon temps et de mon engagement pour continuer à tisser le lien d’une histoire qui n’a pas dit son dernier mot.
 
Ces élections européennes ont des résonances importantes sur la vie nationale. Premier scrutin depuis la victoire de M. Macron, il est riche d’enseignements pour ajuster nos positions et préparer l’avenir. C’est avec un regard lucide sur notre échec collectif à rassembler les électeurs sur nos propositions qu’il va falloir analyser ce scrutin si singulier. Le débat doit être approfondi car la tendance à la baisse est régulière par palier depuis les années 1980.
 
Ce scrutin met plus que jamais au grand jour la profondeur de la crise politique qui se manifeste par un niveau élevé du refus de vote malgré un regain de dernières heures. La liste du président de la République ne représente que 11% des inscrits. Les forces politiques inscrites dans l’histoire du pays sont toutes en recul très sérieux dès lors qu’elle se situe en deçà des 10%. La question démocratique portée par le mouvement des « gilets jaunes » reste trop sous-estimée dans les combats populaires. Les causes de la division sanctionnée par tous les électeurs de gauche devront être réfléchies. Nous le leur devons et ils nous le réclament. Mais ceci ne peut faire l’économie, à l’heure prioritaire, d’une première analyse des bouleversements à l’œuvre en France et dans le continent. En effet nous assistons partout dans le monde à des mouvements de fond qui partout mettent en difficulté les forces progressistes et syndicales. La contre-offensive des néo-conservateurs nord-américains depuis Reagan ont aujourd’hui de terribles répliques incarnées dans des mouvements nationalistes et d’extrême droite.
 
Dans notre pays, les classes possédantes se sont soudées pour maintenir leurs positions de pouvoir et imposer leur vision du monde. La bourgeoisie française a une incroyable capacité, éprouvée à de nombreuses reprises, à serrer les rangs quand elle sent ses intérêts menacés. Elle l’a démontré une nouvelle fois dimanche dernier en se rangeant massivement derrière le parti présidentiel après sept mois d’un mouvement social et politique ambivalent, celui des gilets jaunes, d’une intensité inédite qui, en portant haut des revendications pour l’égalité sociale et fiscale, a affolé les classes possédantes et réanimé en conséquence le vieux « parti de l’ordre ». Elle a ainsi affaibli comme jamais le parti traditionnel de la droite qui était depuis plus d’un demi-siècle, sous divers noms, un pilier du paysage politique. Les régions les plus ancrées dans l’histoire contre-révolutionnaire ont ainsi affirmé leur soutien à la politique de destruction méthodique des solidarités nationales, des services publics, du droit du travail, des libertés publiques, toute dédiée au service des intérêts financiers pour pousser l’intégration de la France, ce maillon décisif, à la mondialisation capitaliste. Par la même occasion le positionnement politique du parti présidentiel, initialement placé sur les décombres du Parti socialiste, s’est singulièrement déporté vers la droite. S'il est vrai qu’il y a toujours « une classe derrière l’homme », nul doute que la politique gouvernementale au bénéfice des riches va encore s’amplifier avec en ligne de mire nos retraites, nos service publics, l’affaiblissement du parlement, la casse du statut de la fonction publique pour ouvrir ses mission au marché de l’emploi capitaliste et à ses règles. C’est donc un projet proprement contre-révolutionnaire que portent aujourd’hui les classes dirigeantes et qui, sur les sujets économiques et sociaux, ne tranche pas avec celui proposé par l’extrême droite.
 
Se dessine désormais, si ce n’est un « nouveau monde », un « monde nouveau » où les forces traditionnelles ont laissé place à un duo fomenté de longue date entre les extrêmes-droites et les libéraux. Il faut prendre la mesure de cette nouvelle donne politique et ses implications sur le clivage, toujours vivace dans les consciences et les pratiques, entre la droite et la gauche.
 
La percée de l’écologie politique est un événement considérable dont les conséquences durables sur le paysage politique ne sont, pour l’heure, pas établies, tant il est vrai que ce courant politique est traditionnellement porté par les élections européennes pour retomber comme un soufflet. Cependant, la destruction que nos sociétés envahies par la loi du profit opèrent sur la nature et le vivant suscite une saine et juste inquiétude qui peut être le vecteur d’une politisation nouvelle, notamment dans la jeunesse. L’enjeu principal réside dans notre capacité collective à lier le combat pour l’environnement à la justice sociale pour que l’inquiétude ne se transforme pas en angoisse ou en fatalisme, et n’aille pas non-plus fortifier les fondations du projet de l’extrême droite adepte d’une « écologie des peuples » de sinistre mémoire. Démonstration doit être faite de l’incompatibilité d’une politique écologique avec les traités de libre-échange et les guerres commerciales, et des dangers des récupérations par l’extrême droite des thématiques qui lui sont liées.
 
L’essor continu et l’homogénéisation nouvelle du vote d’extrême droite sur tout le territoire confirme la virulence du virus nationaliste et xénophobe. Il prospère à la faveur des chamboulements extraordinaires que le capital, dans sa dynamique néolibérale, impose aux sociétés : chômage de masse, précarité, délocalisation de la production, nouvelles stratégies impérialistes du capital qui ruinent des pays entiers, multiplication phénoménale des marchandises qui enlaidissent nos sociétés et asservissent les peuples par une consommation pulsionnelle tout en menaçant désormais la coexistence de l’Homme avec son environnement naturel. Malgré un rejet majoritaire du capitalisme, l’alternative au système ne parvient pas se frayer son chemin, et l’hypothèse de son dépassement ne semble pas imprimer dans les consciences et encore moins dans les votes.
 
L’extrême droite s’affirme partout en alternative, non pas au capitalisme, mais à la gestion par les élites libérales du capitalisme mondialisé. Ces dernières ont fait prospérer leur indécente richesse sur des inégalités et une géographie nouvelle qui ôte en permanence aux classes populaires, réduites au rôle de fantassins de la guerre économique, leur pouvoir de décisions, tout en travaillant à leur autonomisation à l’échelle mondiale. Le régime a-démocratique qui est celui des sociétés les plus développées rencontre des résistances qui ne parviennent pas à se traduire en une alternative sociale et solidaire mais qui, au contraire viennent nourrir les passions haineuses et inégalitaires, sans jamais remettre en cause la domination qu’exerce le capital et ses institutions sur nos vies. Incontestablement, l’extrême droite est devenue le réceptacle des souffrances d’une part très importante des milieux populaires qui choisit de s’exprimer par le vote. Ce fait d’une extrême gravité, devrait concentrer l’essentielle de nos analyses et de nos efforts, tant il est porteur de périls et tant il condamne la possibilité d’une alternative majoritaire portée par la défense des intérêts populaires, indispensable à tout processus de transformation sociale démocratique et écologique.
 
L’extrême droite représente une fraction des classes possédantes qui, à l’image de Mme Le Pen, de MM Bannon, Trump, Salvini, Orban, etc…, déploie une stratégie droitière-populiste qui flatte les instincts nationaux pour prendre les rênes du capitalisme et consacrer les inégalités. Mais l’histoire nous enseigne qu’il n’y a pas d’autre finalité à l’extrême droite que la guerre. Elle menace aujourd’hui d’ailleurs partout et les budgets militaires flambent au rythme de l’intensification des guerres commerciales et douanières, et de l’arrivée des extrême-droites dans les gouvernements. Il y a donc urgence à penser le dépassement de cette période historique (à partir des aspirations populaires à faire du neuf) pleine de menaces et à une prise de conscience générale des travailleurs et des citoyens de ses impasses funestes.
 
Le travail devant nous est colossal et ne peut s’effectuer qu’à condition que les motifs de divisions n’ensevelissent pas les positions communes. La qualité du débat doit être à la hauteur de notre responsabilité historique. C’est ce à quoi nos journaux l’Humanité et L’Humanité Dimanche doivent s’employer avec toute l’abnégation requise. C’est un service que nous devons à toutes celles et ceux qui sont inquiets et cherchent les voies de l’unité populaire et de l’émancipation humaine. Nous y reviendrons.
 
Dans ce contexte d’après élections, il y a de quoi être très inquiet par le rouleau compresseur en marche. A peine les urnes rangées que le prix de l’électricité augmente vertigineusement, que les promesses autour de Alstom-General Electric à Belfort ne sont que chiffon de papier, comme ceux de l’après Whirlpool à Amiens ou même d’Ascoval. Dans un autre registre, de nouveaux pas contre la liberté des journalistes à faire leur travail avec la convocation des journalistes du Monde à la DGSI. De ce point de vue, sur chacune de ces questions, les hauts scores de l’extrême droite sont bien utiles au pouvoir macroniste. Nous reviendrons sur chacun de ces enjeux.
 
 
Je vous souhaite une bonne semaine, en restant à votre disposition.

Patrick Le Hyaric
 
 
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