Chronique «L'age bête»

Abattages et déterrages de renards : des associations se mobilisent

Un arrêté du préfet de Seine-Maritime autorisant une campagne d’abattage est dans le viseur des associations de défense animale. Une vidéo tournée lors d’une chasse avait déjà provoqué en mai une levée de boucliers.
par Sarah Finger
publié le 10 août 2020 à 10h39

Retrouvez la chronique «Âge bête», le rendez-vous animal de Libération.

1 430 : c'est le nombre de renards que le préfet de Seine-Maritime vient d'autoriser à abattre de nuit, d'ici fin 2020, par des lieutenants de louveterie, en plus des renards chassés ou piégés par ailleurs. Cette décision datée du 20 juillet fait suite à une consultation du public organisée du 29 mai au 19 juin dont les résultats sont édifiants : 832 citoyens se sont exprimés pour cet arrêté préfectoral et 2 468 contre, soit trois fois plus. «Malgré les réponses très majoritairement défavorables en nombre, les impacts négatifs de l'espèce demeurent prédominants en termes de sécurité sanitaire et de préservation d'une filière», argumente néanmoins la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) dans un communiqué.

«Simulacre de démocratie»

De quels «impacts négatifs» parle-t-on ? La DDTM évoque pêle-mêle des nuisances agricoles, sanitaires, sur la faune, la flore, et même la «sécurité publique». Classé dans la catégorie des animaux «susceptibles d'occasionner des dégâts», le renard est surtout accusé de se repaître du petit gibier (notamment des perdrix) également convoité par les chasseurs.

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Après cette décision préfectorale, l'Aves, association dédiée à la protection de la faune sauvage, a saisi le 25 juillet la Commission nationale du débat public. Car selon l'organisation, les participations des citoyens aux consultations publiques sont «presque systématiquement sans effet», ce qui décourage «des milliers de militants qui finissent par dire que ces consultations ne servent à rien, que les préfectures sont à la botte des fédérations de chasse et que c'est un simulacre de démocratie». Même colère du côté du Parti animaliste qui, le 31 juillet, organisait une manifestation devant la préfecture de Seine-Maritime et rédigeait une tribune contre cet arrêté préfectoral, cosignée par onze associations. Plusieurs d'entre elles ont déposé des recours contre ce même arrêté.

«Les animaux sauvages sont sans droits»

Cette affaire intervient peu après un scandale révélé par One Voice. L'association a en effet diffusé, fin mai, des images tournées dans le Nord lors d'une «partie» de déterrage de renards. La vidéo, particulièrement choquante, montre des chasseurs extirpant trois renardeaux de leur terrier et les massacrant à coups de grosse pince sur la tête, devant deux enfants âgés de 5 et 12 ans. Au milieu des rires, les chasseurs obligent le plus grand à frapper lui aussi. L'indignation suscitée par ces images a poussé 180 psychologues, acteurs de la protection de l'enfance, juristes, élus, scientifiques, artistes et universitaires, à publier une tribune le 21 juillet sur un blog de Mediapart. Arguant que «la violence n'est jamais un exemple, quelle qu'en soit la victime», ils demandent que les chasses soient interdites aux enfants.

Loïc Dombreval, député LREM des Alpes-Maritimes et président du groupe d'étude parlementaire sur la condition animale, figure parmi les signataires. Pour lui, «le déterrage des renards est une pratique dégueulasse, et le mot est faible. Hélas, dans le droit français, aucune loi ne protège les animaux sauvages de tels actes de cruauté. Comme ils n'appartiennent à personne, ils sont sans droits…» Muriel Arnal, présidente de One Voice, estime qu'«entre 500 000 et 1 million de renards» sont tués chaque année en France.

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