Quelle doit être la 1ère démarche d’une collectivité qui décide de se lancer sur les médias sociaux ?
La première chose à faire, c’est d’établir une stratégie web. C’est un des premiers écueils : on se lance sur Facebook, ou Twitter parce que c’est la mode, sans savoir ce que l’on va y faire et ça ne prend pas. C’est normal ! Il faut penser « stratégie » et non « outil ».
Il faut donc définir les objectifs de cette stratégie. L’un des 1ers objectifs, souvent, c’est de toucher la cible jeune. Ce public est en général complètement réfractaire aux discours publics, institutionnels et aux supports type journal de la collectivité. L’exemple que je donne volontiers, c’est celui de la ville de Rive De Gier (Haute-Loire) qui, le jour où elle a créé sa page Facebook, a entendu » Tiens ! Rive est sur internet ! « , par un adolescent, alors que la municipalité avait un site internet depuis des années ; mais cela montre bien que, dans l’esprit de nombreux jeunes, internet = Facebook.
Mais, en amont de la définition de cette stratégie, j’ai envie de dire que la vraie première démarche, c’est de revoir la communication interne. C’est souvent là que le bât blesse dans les collectivités. Qui communique ? Il faut s’assurer que le circuit de liaison entre les services est bon, car ce n’est pas le seul service com’ qui va se lancer sur les médias sociaux.
Bien souvent, les circuits de validation de l’information sont à revoir et à simplifier. On va avoir besoin d’instantanéité. Chaque statut Facebook ne doit pas faire l’objet d’une validation en cabinet du maire.
L’enfermement de la collectivité dans un système hiérarchique et de contrôle : voilà le vrai premier gros écueil !Il faut que la collectivité soit prête à lâcher du lest, sinon mieux vaut ne pas y aller. Car dans la moitié des collectivités, les agents se heurtent aux firewall (1) qui vont tout simplement bloquer l’accès à ces médias.
J’ai entendu aussi : « si on laisse l’accès libre à Dailymotion, ça va faire tomber nos serveurs ! » Soyons raisonnables… Il faut dédramatiser.
En fait, c’est comme au temps des premiers e-mails où l’on craignait que les gens n’envoient que des mails perso. La jurisprudence a permis d’établir que tout est question de dosage, de volume et d’équilibre. Avec Facebook, c’est pareil, autoriser l’accès ne va pas pousser les agents à « facebooker » leurs amis toute la journée.
Une alternative pour dépasser cette crainte : ce peut-être, comme à Vincennes, de faire signer aux agents une charte de bonne conduite par laquelle ils s’engagent à en faire un usage raisonnable.
Qui va définir la stratégie ?
Si quelqu’un, au sein de la collectivité, comprend bien les médias sociaux, la collectivité peut le faire elle-même. Dans quelques-unes, comme à Issy-les-Moulineaux, par exemple, on rencontre des directeurs de communication férus de ces questions. Et naturellement, ce sont eux qui sont derrière la page Facebook, le compte Twitter et tout le reste.
Mais dans de nombreux cas, les directeurs de communication n’y comprennent pas grand chose et là, mieux vaut se faire aider, dès le début par un professionnel.
En définitive, tout est lié : l’ambition de la collectivité, sa culture de l’interne, la personnalité du directeur du service informatique (DSI), du directeur de communication et la stratégie qui va se mettre en place.
Twitter, Facebook : quelle différence ?
A chaque média social son usage.
Pour résumer de manière simpliste, en allant sur Facebook, qui revendique 800 millions d’utilisateurs, on est là où se fait l’audience. Donc, pour les collectivités, il y a une nécessité d’être visible pour cette partie des internautes qui sont sur Facebook. Car désormais, il ne faut pas se mentir, Facebook, ce n’est pas une mode, c’est un phénomène sociétal, y compris en France. Avec Facebook, on lance des buzz, on touche de nouvelles cibles, notamment les jeunes.
Une enquête réalisée récemment par Pargatruk et blog territorial sur Facebook révèle par ailleurs l’impact des pages Fan non officielles :
Certaines recueillent des milliers de fans quand la collectivité, qui se décide après coup à y aller, a du mal à en récupérer mille.
Quoiqu’il en soit, ce phénomène reflète bien le besoin de proximité qu’ont les citoyens et leur envie d’exprimer leur attachement, non pas à l’administration, mais à un territoire.
Aujourd’hui, toutes les collectivités ont intérêt à ouvrir une page Facebook. Le seul échelon pour lequel c’est encore discutable, est celui de l’intercommunalité, car il n’est pas toujours tangible pour le citoyen. Enfin, ça se discute.
Et Twitter ?
Twitter, ça n’a rien à voir. En France, ce n’est pas encore grand public comme aux Etats-Unis. Twitter est un média de microblogging, c’est le web en temps réel. Il est d’une simplicité assez déroutante. On a du mal à évaluer l’impact de ce média, car beaucoup d’internautes créent un compte puis l’abandonnent. Certaines estimations – à manipuler avec précaution – montrent que Twitter, c’est 210 000 comptes en 2010 et ce serait 2 millions en 2011. C’est énorme ! Mais il faut avoir en tête que quasiment 80% des comptes sont inactifs… donc prudence.
Quoiqu’il en soit, Twitter est un réseau plus professionnel que Facebook. Via Twitter, on cible les journalistes, les annonceurs, des geeks, etc. C’est le réseau de l’entre-soi qui s’organise par profession. Notamment pour les offres d’emploi.
Twitter permet aussi de faire sa veille pro. Il n’y a pas l’effet de masse de Facebook. C’est dédié au contenu. C’est dépouillé. Sur Twitter, on est plus prolixe en général que sur Facebook : on fait 4 à 5 posts quand on en envoie un seul sur Facebook. Il y circule beaucoup d’informations. C’est aussi le média du dialogue et de l’échange. Car il faut que les collectivités aient à l’esprit que Twitter n’est pas un panneau lumineux de 140 caractères ! C’est avant tout un outil de dialogue.
Quid des autres réseaux, Viadéo, Linkedin, qui réunissent plutôt les territoriaux et moins les collectivités, à ce jour ?
Linkedin, c’est le 1er réseau de l’emploi mondial, avec des fonctionnalités payantes. Idem pour Viadéo qui est un réseau qui réunit les professionnels autour de l’emploi. Donc pourquoi pas les collectivités ? En fait, tout est à raccrocher à la stratégie de départ. Ces réseaux sont tout indiqués dès lors qu’il y a un objectif d’emploi défini dans la stratégie de la collectivité. On peut imaginer, par exemple, qu’une maison de l’emploi ait besoin de voir qui est actif sur son secteur.
J’ai envie de citer aussi Dailymotion, Youtube, qui sont des sites d’hébergement et de partage de vidéos ; Picasa, Flickr, l’équivalent pour la photo. Il faut penser aussi à des sites comme Slideshare qui permettent de partager des tonnes de documents, Word, pdf. Et les agrégateurs de flux RSS comme Netvibes, qui peuvent devenir des portails très intéressants et les outils de cartographie interactive comme Google Maps.
Tous ces sites sont des outils que les collectivités peuvent récupérer et utiliser. Mais ce ne seront toujours que des outils au service d’une stratégie.
Google+ a-t-il de l’avenir auprès des collectivités ?
Google +, ce n’est ni plus ni moins qu’un autre Facebook. Simplement, Facebook a du sens car il réunit 800 millions de personnes, quand Google+ en est à 500 000. Et une étude révèle que Google+ est peuplé à 70% d’hommes et de geeks. Cela dit, Google+ n’en est encore qu’à ses débuts.
Pour l’instant, il n’y a pas d’espace pour les collectivités, mais c’est un réseau à surveiller de près pour la bonne et simple raison qu’il est porté par Google !
Ce qui fait la pertinence de ces réseaux, c’est le phénomène de masse qu’ils créent ou pas. Par exemple, en Amérique du Sud, ce n’est pas Facebook qui a marché mais Hi5. Ailleurs encore, c’est Orkut.
Et les réseaux privés ?
L’organisation des territoriaux autour d’un réseau social, c’est un phénomène nouveau. Il existe une culture de la territoriale. Et les agents sortent de l’ombre. Donc oui, la démarche a du sens, même si parfois, elle a du mal à décoller.
On peut citer, par exemple, le réseau privé des territoriaux, expertpublic.fr lancé il y a 6 mois par les éditions Territorial/Groupe Moniteur (2) et dont nous, agence Adverbia, sommes le maître d’oeuvre : c’est un réseau social adossé à une plateforme de blogs, avec beaucoup de contenus partagés, des groupes de discussion, des vidéos, un wiki.
Une autre initiative intéressante, c’est auwwwergne.com, qui marque, à mon sens, une étape au-dessus car le service communication du conseil régional de l’Auvergne n’est plus le seul à produire du contenu, mais il est là pour écouter et aussi donner la parole. Cette démarche a fait des émules en Poitou-Charente et en Bretagne.
Les collectivités doivent comprendre qu’elles peuvent changer de posture et proposer des médias d’écoute pour avoir du « feed-back » et des remontées d’informations. Je pense notamment à ces services techniques de municipalités dont les interventions ont été plus rapides lorsque des arbres tombés sur la route avaient été signalés par ce type de média. C’est le genre de mini-révolution que permet le web 2.0.
Une fois lancé, comment améliorer et enrichir son réseau ?
Le premier point, c’est d‘avoir un community manager. Car il faut instaurer un dialogue humain. Evidemment sur ce poste, les horaires ne seront pas ceux d’ouverture d’une mairie ! C’est pour cette raison que le community manager, c’est souvent un jeune qui poste depuis son domicile. Son rôle est d’orchestrer le dialogue entre la collectivité et les internautes et aussi entre les communautés.
Comme dans une réunion publique, il faut un animateur qui tende le micro à celui qui parle le moins au fond de la salle, capable d’interrompre un autre. C’est une mission, assez subtile, pas aussi simple qu’il n’y parait.
Par ailleurs, il existe quelques règles d’or : garder à l’idée que l‘utilisateur est au centre ; ça, les collectivités en général ne savent pas faire… Il faut aussi donner dans le « conversationnel », permettre les interactions entre les internautes, il faut de la présence humaine : hors de question de balancer la communication institutionnelle ou le flux RSS.
Et enfin, il faut faire la promotion de ces réseaux sur le print, les revues traditionnelles et les sites internet.
Cet article fait partie du Dossier
La communication territoriale à l'heure des Trolls et des Fake news
Sommaire du dossier
- Communication territoriale : la chasse aux fake news est ouverte
- Redonner confiance dans la com’ publique
- Quand communicant et combattant ne font qu’un
- Contre les fake news, un arsenal juridique à l’efficacité incertaine
- Quitter X (Twitter), un pari gagnant pour les élus locaux ?
- Trolls, fake news : « Plus que jamais, il faut communiquer à bon escient »
- « Fake news » : quel impact dans les territoires ?
- Sur les réseaux sociaux, les stratégies des collectivités s’affinent
- Réseaux sociaux : faites les bons choix !
- Les collectivités s’ancrent de plus en plus dans la communication digitale
- « Sur les réseaux sociaux, il faut se distinguer par la créativité » – Noémie Buffault
- Comment les réseaux sociaux gagnent les collectivités locales
- Les réseaux sociaux internes en quête de clics
- Collectivités territoriales et réseaux sociaux : les Français de plus en plus réceptifs
- Réseaux sociaux : collectivités, mieux vaut en être l’initiateur !
- Réseaux sociaux : les 10 freins à lever chez les collectivités
- Community manager : un investissement nécessaire, pas un gadget accessoire
- Réseaux sociaux : les collectivités pas encore mûres pour l’interaction
- Se lancer sur les réseaux sociaux : « la stratégie » de Franck Confino
- Evaluation des fan pages de collectivités : dépasser le concours de la plus grande liste de fans
- Recruter un « community manager »
- Facebook : l’identité territoriale encore mal définie pour les habitants utilisateurs
- Twitter : 16 des 50 plus grandes villes de France ont un compte, selon une étude
- E-démocratie : quand collectivités et citoyens dialoguent sur les réseaux sociaux
- Le marketing territorial s’empare des réseaux sociaux
Thèmes abordés
Notes
Note 01 un logiciel contrôlant les échanges entre un réseau local ou Internet et votre ordinateur Retour au texte
Note 02 Groupe Moniteur, propriétaire de La Gazette des communes Retour au texte