Le tweet de trop pour Gérard Filoche ? Rachid Temal, le patron du Parti socialiste (PS) par intérim, a fait savoir vendredi 17 novembre, dans la soirée, qu’il allait saisir la commission des conflits du parti pour engager « une procédure d’exclusion » contre l’ancien inspecteur du travail, membre du bureau national du PS. En cause, un montage photographique que M. Filoche, 71 ans, avait mis en ligne sur son compte Twitter peu de temps avant.
Sur ce montage, on voit Emmanuel Macron au-dessus d’une image de la Terre, les bras en croix semblant dominer le monde, et portant un brassard nazi où la croix gammée a été remplacée par le symbole du dollar. Derrière le président de la République, apparaissent les visages du chef d’entreprise Patrick Drahi, du banquier et lord britannique Jacob Rothschild et de l’économiste et écrivain Jacques Attali. Et également les drapeaux américain et israélien. Slogan de la photo : « En Marche vers le chaos mondial. » Et commentaire de M. Filoche l’accompagnant : « Un sale type, les Français vont le savoir tous ensemble bientôt », à propos de M. Macron.
Un cliché issu du site « Egalité et Réconciliation »
Cette mise en scène photographique reprend de nombreux codes complotistes et antisémites. Selon les informations du Monde, le cliché est issu du site Egalité et Réconciliation de l’idéologue Alain Soral, condamné à plusieurs reprises pour « injures raciales ou antisémites ». Un photomontage pour lequel M. Soral a été convoqué récemment devant le tribunal de grande instance de Paris.
M. Filoche a très vite retiré son tweet. Samedi matin, il a expliqué sur Twitter : « A priori l’image Macron + argent est totalement banale. Il y en a 100 comme ça. A l’examen, ce montage et sa source sont bad. Dès que j’ai su je l’ai retiré aussitôt. Tout à fait désolé ! » Il a également fustigé « une cabale en meute » lancée contre lui sur les réseaux sociaux.
Contacté par Le Monde, M. Filoche se défend de connaître la source de cette image. « Je ne savais pas quelle était sa source, sinon je ne l’aurais pas laissée, enfin j’ai dit que j’étais désolé ! Qu’est-ce que les malveillants veulent de plus ? Retrait pour erreur et excuses, ça ne leur suffit pas ? »
« Qui peut oser m’accuser de racisme et antisémitisme ? Toute ma vie militante témoigne du contraire ! Rien à voir avec Soral et toute cette bande honnie. Je suis socialiste de gauche pour l’unité de la gauche contre la droite et l’extrême droite ! », a assuré au Monde le membre du bureau national du PS. « Le reste est cabale en meute des macroniens et de quelques-uns dont des socialistes droitiers de mauvaise foi qui cherchent à me nuire pour autre chose », a-t-il ajouté.
Le Parti socialiste condamne « avec la plus grande fermeté »
Par le biais d’un communiqué de presse, le PS a dénoncé un « photomontage mettant en scène le président de la République, Emmanuel Macron, ainsi que d’autres personnalités, dans une imagerie indiscutablement antisémite et reprenant certaines références visuelles du régime nazi ». « Le Parti socialiste condamne avec la plus grande fermeté ce tweet, insupportable, inexcusable et inacceptable. Il porte atteinte aux valeurs même du socialisme, ainsi qu’à l’engagement de chaque jour et à l’action de terrain de ses militants contre le racisme et l’antisémitisme. Il constitue à ce titre un motif d’exclusion. »
Dénonçant « un photomontage immonde », la Ligue internationale de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) va saisir la justice, a-t-elle annoncé dans un communiqué samedi. « Ce tweet de Gérard Filoche est une honte absolue relayant des contenus complotistes trempés dans l’obsession des juifs », a par ailleurs souligné l’organisation sur Twitter.
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a également annoncé sur Twitter qu’il allait porter plainte. Tout comme l’Union des étudiants juifs de France (UEJF).
Jugeant ce tweet « indigne du débat républicain », la maire de Paris, Anne Hidalgo, a demandé l’exclusion de M. Filoche du PS. Le socialiste Luc Carvounas, député du Val-de-Marne, a lui aussi demandé son « exclusion ». « Le PS ne peut être associé à des injures au président de la République et donc à la France. »
Une image « totalement abjecte » qui « pose un grave problème d’appartenance au PS », a déclaré François Kalfon, membre de la direction collégiale du PS, sur Franceinfo. « Je souhaite qu’il puisse s’en expliquer devant nos instances. »
Olivier Véran, ancien socialiste désormais député de La République en marche de l’Isère, a lui aussi réagi : « Trop longtemps, trop de fois auront été tolérés les dérapages de Filoche. Je me suis souvent demandé comment il avait pu rester membre du bureau national d’un parti comme le PS. Gageons que son immonde tweet marque la fin de sa triste “carrière”. »
Faute de parrainages suffisants, M. Filoche avait échoué à se présenter à la primaire à gauche en janvier. En octobre 2014, des élus socialistes avaient déjà demandé son exclusion après un autre de ses tweets dans lequel il avait qualifié le PDG de Total, Christophe de Margerie, qui venait de mourir dans un accident d’avion, de « suceur de sang ».
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