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Chronique «Roues cool»

A Mâcon, un «vélobus» pour escorter les enfants vers l'école

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Des parents cyclistes organisent un ramassage scolaire à vélo, pour familiariser les plus jeunes à la conduite en ville.
par Maïté Darnault, envoyée spéciale à Mâcon (Saône-et-Loire), photos Bruno Amsellem pour Libération
publié le 6 janvier 2020 à 6h27

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qui aborde le vélo comme moyen de déplacement, sans lion en peluche ni bob Cochonou. Aujourd’hui, une initiative de vélobus, à Mâcon, pour encadrer les enfants sur la route de l’école.

Une quinzaine de petits gilets jaunes, casqués, loupiotes accrochées à leurs vélos : depuis la rentrée, la caravane passe chaque lundi matin par le centre-ville de Mâcon. Direction l'école Annexe, où les cyclistes, une fois arrivés, troquent le guidon contre les cahiers. Il s'agit d'un établissement désectorisé, dont les sept classes accueillent des élèves venant de toute l'agglomération bourguignonne. Matin et soir, son parking fait le plein : la majorité des enfants sont déposés en voiture. Alors pour œuvrer à la «reconquête» de la rue «trop monopolisée» par les quatre-roues, des parents adhérents de l'association Mâcon vélo en ville ont décidé d'expérimenter une ligne de «vélobus».

Elle compte trois arrêts sur un parcours de 3,4 km et embarque des enfants du CP au CM2. Avant de se lancer, Rida Ben Salah, Alexis Roi et Mathieu Chalopin ont dû cartographier les adresses des familles pour proposer un tracé pertinent. Le point de départ est fixé à Saint-Clément, un quartier populaire de Mâcon. «Le but, ce n'est pas que ce soit la réunion des bobos du lundi matin, explique Rida Ben Salah. Ici, il y a un vivier d'enfants assez important, mais ça ne prend encore pas beaucoup, on va laisser passer l'hiver, il faut que les parents s'habituent à nous voir circuler, il faut lever les blocages sur le froid, la pluie, la sécurité.»

«On veut leur montrer qu’ils ont leur place sur la chaussée»

De fait, en pédalant, on se réchauffe, la pluie n'a jamais fait fondre personne (surtout si on porte un vêtement étanche) et une partie du chemin se fait en zone sécurisée (pistes cyclables, voie sur berge, centre piéton où l'on a le droit de circuler au pas). «Pour les parents comme pour les enfants, il faut arriver à enlever cette peur de faire du vélo en ville», abonde Clotilde Rousseau, mère d'élève bénévole du vélobus.

Tout au long du parcours, les encadrants rappellent les consignes : ne pas se doubler (on respecte le rythme collectif), sur la route, ne pas rouler trop près des voitures garées ou des trottoirs. «On veut leur montrer qu'ils ont leur place sur la chaussée», souligne Alexis Roi. «Il y a cette nécessité de transmettre la vigilance, d'anticiper le danger», ajoute Mathieu Chalopin, qui passe ses journées en selle, au guidon d'une crêperie mobile. Les parents réfléchissent déjà à ouvrir une seconde ligne l'année prochaine, partant du nord de la ville.

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A Mâcon, la place du vélotaf n'est pourtant pas gagnée. Le maire LR, Jean-Patrick Courtois, n'en fait pas une priorité. «Il a un électorat automobiliste», considère Rida Ben Salah. Le quadra, enseignant, s'est engagé pour les prochaines municipales sur une liste citoyenne initiée par un attelage à la grenobloise (écolos, communistes, insoumis). «Le mouvement des gilets jaunes a enclenché un changement : se déplacer coûte de plus en plus cher, mais la population doit être accompagnée pour avoir accès à une alternative cohérente à la voiture. Si les politiques ne veulent pas s'emparer du problème, c'est à la société civile de le faire», juge le cycliste.

«Ça va faire des émules»

«Les voitures qui sont dans les bouchons peuvent toujours attendre, nous, on est tranquilles, on leur passe à côté en les doublant», remarque Solal, 7 ans et demi, en CE1. «Ça nous évite d'être en retard à l'école», complète Madeleine, 10 ans, en CM2. «Et puis c'est écolo et c'est gratuit, pas besoin d'acheter de l'essence, il suffit de pédaler pour avancer», ajoute Solal, à qui un copain a demandé, dans la cour, s'il fallait se lever tôt pour le vélobus, si c'était dangereux, où se trouvent les arrêts, si on peut se faire prêter une bicyclette…

Après quatre mois de fonctionnement, ce ramassage scolaire alternatif compte 17 participants réguliers, sur 192 élèves inscrits à l'école Annexe. Soit presque 10% de son effectif, s'enthousiasme sa directrice, Véronique Filipe, pour qui il s'agit d'une «formidable aventure citoyenne» : «C'est aussi montrer l'exemple aux adultes, ça va sans doute faire des émules, certains parents m'ont dit qu'ils attendent le printemps pour voir.» Et prendre le train en marche : le «savoir rouler» est depuis cette rentrée une compétence que doivent acquérir les élèves d'élémentaire. Pour pouvoir peut-être un jour, comme Solal, Madeleine et leurs camarades, aller au collège à vélo, sans chaperon. La classe.

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