Pour la démocratie, limiter les hauts revenus

Pour allier égalité et transition écologique, il faudra limiter les surconsommations des riches.

Mireille Bruyère  • 16 janvier 2019 abonné·es
Pour la démocratie, limiter les hauts revenus
© photo : BRUNO DE HOGUES / ONLY FRANCE

Malgré les tentatives du gouvernement et des médias affidés de réduire le mouvement des gilets jaunes à « une foule haineuse », raciste, antisémite et homophobe, et par-delà l’équivoque et la pluralité de ce mouvement, la justice sociale et la démocratie restent ses deux grandes aspirations. La détermination des gilets jaunes à maintenir ces aspirations au cœur de leurs revendications montre qu’ils ont saisi la relation intime entre égalité et démocratie. Emmanuel Macron a rappelé dans ses vœux qu’on ne peut pas avoir simultanément une baisse des impôts et une augmentation des dépenses publiques, ou encore qu’on ne peut prétendre gagner plus sans le goût de l’effort. Le cadrage du grand débat national est du même tonneau. Si vous voulez baisser les impôts, il faudra renoncer à des services publics. Si vous voulez baisser les inégalités, il faudra faire des heures supplémentaires défiscalisées ou encore accepter toutes les offres de Pôle emploi. Mais n’y a-t-il que cela ?

Quatre décennies de néolibéralisme ont accru de manière vertigineuse les inégalités économiques, qui se déploient par trois canaux. Le premier est la transformation de la répartition primaire de la richesse économique, la fameuse valeur ajoutée, en faveur du capital et en défaveur de la part salariale. La modération est donc non seulement celle des salaires, mais aussi celle des recettes de la Sécurité sociale (cotisations). Le deuxième est l’accroissement des inégalités entre salariés par la hausse considérable des hauts salaires. Le troisième canal est fiscal. Les baisses des impôts des trois dernières décennies se sont concentrées sur les hauts revenus, par la baisse de la fiscalité sur le patrimoine financier et par la multiplication des niches fiscales et des possibilités d’optimisation fiscale.

Pour le gouvernement, il faut maintenir coûte que coûte les revenus des plus riches. Il n’est donc pas question de redistribution. Pourtant, la seule manière soutenable d’obtenir plus d’égalité est la décroissance des hauts revenus. Cela consiste à réduire les hauts salaires pour permettre d’augmenter les bas salaires, dont le Smic, avec la même valeur ajoutée. C’est augmenter les impôts des plus riches ou des grandes entreprises (revenir sur les niches fiscales et le CICE) pour développer, les services publics. C’est limiter les dividendes pour investir et payer les cotisations sociales.

Actuellement, les 1 % les plus riches émettent 40 fois plus de carbone que les 10 % les plus pauvres. Pour allier égalité et transition écologique, il faudra bien limiter les surconsommations liées aux hauts revenus. Un aller-retour Paris-New York en avion – le transport pour les vacances des riches – émet 2,6 tonnes de CO2 par passager, soit plus que l’émission maximale annuelle par habitant pour tenir l’objectif de limiter à 2 °C l’augmentation des températures. Face aux enjeux climatiques, l’égalité doit passer par une décroissance des hauts revenus. La démocratie est le régime de l’égalité, mais elle est aussi celui de l’autolimitation. La première et la plus urgente est celle qui concerne la surconsommation des plus riches.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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