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Interdiction de l'avion, couvre-feu thermique... le scénario noir pour vraiment limiter le réchauffement climatique
Le bureau d'étude B&L propose une série de mesures drastiques pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
FRANCOIS GUILLOT / AFP

Interdiction de l'avion, couvre-feu thermique... le scénario noir pour vraiment limiter le réchauffement climatique

C'est cuit !

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Une étude du bureau d'étude B&L liste les mesures qu'il faudrait prendre sous 10 ans si nous voulions vraiment éviter que le réchauffement climatique ne dépasse le seuil critique des 1,5°C dans le monde. Attachez vos ceintures, ça secoue !

Si l'on ne découvre pas qu'il y a loin de la coupe aux lèvres en matière de lutte contre le réchauffement climatique, l'ampleur des efforts qu'il faudrait consentir pour limiter rapidement la catastrophe nous échappe bien souvent. En décembre 2018, le bureau d'étude B&L a donc produit une étude détaillant les mesures à mettre en œuvre pour éviter que la température moyenne sur Terre n'augmente de plus d'1,5°C en 2030. Et autant dire que les changements préconisés sont radicaux... Parmi d'autres : "Interdiction immédiate de vendre des véhicules neufs pour un usage particulier", "mise en place d'un couvre-feu thermique entre 22h et 6 h", "interdiction de la construction de nouvelle maison individuelle" ou encore, "interdiction de tout vol hors Europe non justifié dès 2020, avec deux vols aller-retour autorisés par jeune de 18 à 30".

Limiter la casse

Bien conscients de la portée hautement hypothétique de leurs propositions, les auteurs du document les déclinent comme "un scénario idéal, mais peu réaliste". "Il ne s’agit ni de proposer un programme réaliste économiquement, ni de proposer un programme souhaitable socialement, ni de proposer un programme jugé acceptable politiquement. Notre objectif est d’aider à comprendre l’ampleur des efforts à réaliser afin que chacun puisse juger de leur faisabilité ou de leur réalisme dans le contexte actuel", mettent-ils en garde en introduction.

Dans l'hypothèse d'une démographie qui ne fasse l'objet d'aucune régulation significative, et en excluant l'hypothèse d'un changement brutal dû à un événement historique ou scientifique, les auteurs estiment que les Français devraient réduire leur empreinte carbone au tiers de ce qu'elle est aujourd'hui pour suivre la trajectoire dessinée en octobre dernier par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Le rapport du GIEC affirmait qu'il était encore possible de limiter le réchauffement de la Terre par les gaz à effet de serre à 1,5°C en agissant dans les dix années à venir. Raréfaction de l'eau, crises alimentaires, propagation des maladies, disparition d'espèces : ces maux frapperont le monde de toute manière. Il ne s'agit là que de limiter la casse. Pour l'heure, nous nous dirigeons selon le GIEC vers une augmentation de 3°C de la température moyenne sur Terre.

Fin du modèle libéral mondialisé

Le modèle ébauché par B&L pour éviter l'étuve et endiguer la catastrophe demanderait donc un grand chambardement, avec des privations et des obligations strictes. L'économie libérale mondialisée en prendrait ainsi un sérieux coup. Il s'agirait, par exemple, d'instaurer des quotas sur les produits importés (café, chocolat, thé), de diviser par trois la consommation de flux vidéo sur Internet d'ici à 2030, ou de "relocaliser la production" de l'industrie textile. L'agriculture et l'élevage intensifs connaîtraient eux aussi une refonte totale, avec une réduction de la consommation de viande de 90 kg à 25 kg par personne et par an, multiplication par huit du taux de conversion de parcelle à l'agriculture biologique, ou encore le remplacement des places de parking par des potagers.

Lucide, B&L conclut que "faire accepter à la population un ensemble de mesures complet aussi ambitieux est improbable", et qu'"obtenir un portage politique national semble impensable". Ne serait-ce qu'en matière d'emploi, pareille conversion semble hors de portée. "Cela nécessite la création de 1 à 2 millions d’emplois en 5 ans, souvent localisés, soit près de 5% à 10% de la population qui doit se former, changer d’emploi et éventuellement déménager", explique le bureau d'étude. Une gageure.

"Cette grande transition, ce changement de paradigme ne se fera pas sans difficultés, sans conséquences sur nos modes de vies, se heurtera à nos barrières cognitives et entraînera certainement des rejets massifs", prévoient les auteurs. Ils préviennent cependant: "Malgré tout, ne rien faire serait pire."

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne