bien-être animal

En France, la chasse à la glu a du plomb dans l’aile

La chasse en débatdossier
Dans le viseur de Bruxelles, la pratique qui consiste à piéger les oiseaux dans la colle est désormais dans le collimateur de la ministre de la Transition écologique. Au grand dam de la fédération des chasseurs, qui se réunissent le 8 août devant le fort de Brégançon.
par Aude Massiot
publié le 31 juillet 2020 à 15h48

La France pourrait bientôt rendre illégal ce qui devrait l’être depuis onze ans. La chasse à la glu, une des multiples pratiques traditionnelles pour les chasseurs mais dénoncée comme barbare par les défenseurs des animaux, que l’Hexagone reste le seul à utiliser sur le sous-continent et qui est illégale au regard du droit européen, serait dans le viseur de Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique. L’annonce aurait été faite lors d’une rencontre avec la Fédération des chasseurs, le 17 juillet, selon France Info. Cette chasse, qui consiste à badigeonner de colle les branches pour y piéger les oiseaux qui s’y posent, est dénoncée comme  barbare par les défenseurs des volatiles.

Mais la perspective de son interdiction a provoqué la colère du lobby des chasseurs. «Le président Emmanuel Macron, à plusieurs reprises dans ses discours, s'était porté garant de la défense des chasses traditionnelles, a-t-elle réagi sur Facebook, vendredi. Il semblerait aujourd'hui qu'il ait modifié sa position et soutienne celle de Mme Pompili. La fin de la chasse à la glu est la première étape dans le processus de démolition de la chasse française. La chasse à courre, la chasse aux chiens courants, la chasse aux grives et de nombreux autres modes de chasse sont dans le collimateur de notre nouvelle ministre.» Elle prévoit même un rassemblement, le 8 août, au fort de Brégançon, la résidence estivale où se trouve le Président, dans le Var.

La décision de Pompili n'est pourtant pas un engagement militant mais un impératif légal pour éviter à la France d'être poursuivie en justice par la Commission européenne. Début juillet, cette dernière a déposé un «avis motivé» contre le pays, après l'avoir mise en demeure en juillet 2019.

Des espèces chassées en mauvais état

«La France a autorisé plusieurs méthodes de capture d'oiseaux, comme la colle pour les grives et les filets et pièges pour les alouettes et les pigeons, qui ne sont pas des méthodes sélectives et sont interdites par la directive 2009/147 (la directive «Oiseaux»), rappelle Bruxelles dans son avis. Les Etats membres peuvent déroger à certaines dispositions de la directive, mais seulement à certaines conditions strictes, qui ne sont pas remplies en l'espèce, notamment parce que la plupart des espèces capturées ne présentent pas un bon état de conservation.» En France, parmi les 64 espèces d'oiseaux pouvant être chassées, seules 20 présentent un bon état de conservation.

A lire aussiEn France, un tiers des espèces chassables sont menacées (ou quasi)

«La Commission s'inquiète également de la tolérance et de l'autorisation généralisées de la chasse à l'oie cendrée après que celle-ci a commencé sa migration vers ses sites de reproduction, une pratique également interdite par la directive "Oiseaux", peut-on lire dans l'avis. Le pays dispose à présent d'un délai de trois mois pour répondre aux préoccupations de la Commission. A défaut, la Commission pourrait décider de saisir la Cour de justice de l'UE.»

Mobilisée contre ces pratiques qu'elle juge «cruelles, non sélectives et peu contrôlées», la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) avait porté plainte en janvier et avril 2019, auprès de l'exécutif européen, contre la France.

«Dommages irréversibles»

L'association affirme avoir «pu démontrer [la cruauté des pratiques] grâce à des caméras cachées et plusieurs rapports vétérinaires témoignant des dommages irréversibles causés aux oiseaux capturés. De nombreux chasseurs refusent de déclarer leurs sites de piégeage, souvent situés sur des propriétés privées à l'abri des regards. En outre, d'autres activités illégales se développent autour de la chasse à la glu. Un des principaux vendeurs de glu a ainsi été condamné en 2015 pour détention d'espèces protégées comme le gros-bec casse-noyaux et le bouvreuil pivoine. Un important trafic de grives entre la France et l'Italie a également été découvert».

A lire aussiLe dossier Fil Vert «Chasseurs : l'écologie pour dernière cartouche»

Autre initiative visant à mettre un terme à ces pratiques ancestrales, une proposition de référendum d’initiative partagée (RIP) sur le bien-être animal, portée par trois PDG du numérique, Jacques-Antoine Granjon, à la tête de Veepee (ex-Vente privée), Marc Simoncini, le créateur de Meetic, et Xavier Niel, le patron de Free, et soutenue par 110 députés, demande, entre autres, l’interdiction de la chasse à courre, la vénerie sous terre et les chasses traditionnelles, comme la chasse à la glu.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus