Fertiliser à l’urine, enjeux pour l’autonomie alimentaire des villes de demain.

par | 23 mars 2020 | 30JoursPourYPenser | 2 commentaires

Aujourd’hui, j’aborde un sujet qui nous passionne tous : la richesse ! On peut l’envisager en argent, en relation humaine, en biens matériels, etc. Mais j’ai envie de l’aborder avec vous en…urine !

Temps de lecture : 11 minutes

#30JoursPourYPenser Numéro 1

Aujourd’hui, j’aborde un sujet qui nous passionne tous : la richesse ! On peut l’envisager en argent, en relation humaine, en biens matériels, etc. Mais j’ai envie de l’aborder avec vous en…urine !

Nous allons voir la richesse que cache ce produit que nous sommes condamnés à fabriquer, tous, à vie. Mais nous allons surtout nous concentrer sur les enjeux de son utilisation, dans le cadre de l’agriculture, urbaine notamment. Si vous êtes intéressés par comment produire, stocker, utiliser l’urine en tant que fertilisant, je préfère proposer un article complet à ce sujet. On y reviendra donc !

Avant tout

L’article très résumé

  1. Nous dépendons d’énergies fossiles, pour extraire des engrais fossiles, pour nous nourrir.
  2. Qui dit fossile dit non-renouvelable ; donc, cette stratégie pour subvenir à un besoin primordial est une impasse.
  3. La disponibilité des énergies fossiles se raréfie concrètement : ce n’est pas un secret, les producteurs de pétrole eux-mêmes l’indiquent dans leurs analyses.
  4. Nous allons relocaliser nos économies de fait, à cause du point précédent. C’est mécanique, nous n’y couperons pas.

Mixez tous ces ingrédients : le pétrole dont la disponibilité va décroitre, vecteur d’alimentation (et donc de paix), des villes surpeuplées au regard de nos besoins primaires…Et en face, de l’urine que nous produisons tous, chaque jour, pour créer des systèmes alimentaires indépendant des énergies fossiles. Si ce résumé vous a plu, continuons !

Composition de l’urine

Dans l’urine, On trouve entre autres de l’azote, du phosphore, du potassium sous une forme disponible pour les plantes. Rappelons que les nutriments principalement mesurés en agriculture, sont l’azote, le phosphore, et le potassium. On sait donc que l’urine est une sorte d’engrais plutôt équilibré qui contient globalement ce qu’un engrais industriel contiendrait.

Des retours connus, une gestion maitrisée

Par ailleurs, des études agronomiques ont montré que les rendements agricoles quand on fertilise à l’urine sont globalement similaires à l’engrais industriel, voici des exemples :

Pour finir, un ensemble de bonnes pratiques ont été mis en exergue, du stockage à l’utilisation ; nous parlerons dans cet article des précautions sanitaires suggérées, en insistant avant tout sur deux points :

  • Il me semble important que les mondes agricole et médical fassent front commun pour déterminer les risques, avantages et inconvénients de cette pratique
  • Beaucoup de sources indiquent que l’urine est stérile à la sortie du corps, et qu’un stockage d’une semaine au moins tend à rendre son usage encore plus hygiénique. On en reparle dans les précautions à prendre.

Contexte

La fertilisation industrielle est une fertilisation non-soutenable

Aujourd’hui, l’agriculture industrielle repose sur deux piliers pour assurer son efficacité :

  • La fertilisation à l’aide de ressources non-renouvelables et lointaines
  • La mécanisation

J’ai montré la différence majeure entre efficacité et efficience, dans un article partagé chez nos amis de Humus Pays d’Oc. J’y indiquais en substance que l’agriculture industrielle est efficace mais pas efficiente, et l’utilisation de ressources lointaines est le contraire de l’efficience.

Pour faire le parallèle, imaginez que vous voulez casser une noisette et que vous utilisez un marteau piqueur plutôt qu’un casse-noisette. Pléthore d’énergie dépensée, pour une noisette…

Blague à part, toute utilisation de ressource fossile implique que la méthode est non-soutenable ; c’est donc le cas de l’agriculture industrielle.

Un article du site fertilisation-edu.fr indique qu’environ la moitié de l’énergie utilisée pour produire du blé est dépensée pour produire la part azotée de la fertilisation. Il ne s’agit pas ici de remettre en question l’intérêt de la fertilisation, quelque elle soit : en effet, cela améliore le rendement énergétique au mètre carré, on contribue à produire plus à surface exploitée équivalente ; mais la face cachée est le fait que pour fertiliser de manière industrielle, nous avons besoin d’énergie…On gagne une énergie au champ qu’on a du dépensé en amont ! C’est la cause de l’inefficience de l’agriculture industrielle.

Je vous invite à lire cet article qui me parait faire le point sur la disponibilité des ressources, afin de contrebalancer mon article qui sera « pro-alternatives » de toute façon.

L’enjeu pour les villes

La « surpopulation urbaine » : le problème, c’est la solution

Ne nous leurrons pas, la densité de population de la plupart des villes est trop importante pour aspirer à une complète autonomie alimentaire dans un très court rayon. Ce serait probablement une forme très écologique de société, car il y a certaines pratiques des villes qui ont certains avantages écologiques : concentration de l’économie, facilité de mutualiser des biens et services, habitations à étage (donc surface bétonnée réduite), et sûrement bien d’autres. Seulement, l’agriculture a été bannie des villes, tout simplement. C’est donc un import massif et constant d’énergie de nos campagnes vers nos villes, pour nous alimenter, sans même parler de la fabrication des objets nécessaires à nos vies (le problème est en fait le même).

On se retrouve donc avec des producteurs d’engrais qui urinent toute leur vie ; on rejette cette richesse pour la traiter à l’extérieur de notre écosystème. Le problème est donc la solution : faire de ce besoin biologique un atout pour satisfaire un autre besoin biologique : manger.

Remplacer les animaux dans la gestion de la fertilité

Le même article cité plus haut indique que le tiers de l’azote nécessaire à la fertilisation pour l’agriculture française provient de l’utilisation de leur excrétas : urine et fèces. Si l’on prend l’exemple de l’agriculture urbaine de proximité au 19eme siècle à Paris (Paris était autonome en nourriture locale, l’exemple des jardiniers-maraîchers parisiens résonnent encore actuellement dans les milieux de la micro-agriculture intensive !)[1]. Un de leur secret était l’apport abondant de fumier issu des transports à cheval, majoritairement utilisé à cette époque.

Tout cela n’est clairement plus d’actualité : qui dit ville dit promiscuité et les diverses sensibilités peuvent s’exacerber : essayez de mettre des chèvres dans une résidence, même avec l’espace vert suffisant! Par ailleurs, le temps accordé à des projets vivriers en ville est plus bas qu’à la campagne. Ainsi, la présence de l’animal producteur d’engrais est doublement défavorisée en tant qu’élément des designs agricoles urbains. Les excrétas (ce qui sort du corps) humains tirent ici leur épingle du jeu : ce besoin irrépressible est valorisé en comblant un autre besoin : se nourrir (grâce à l’entretien de la fertilité), une fonction plus difficile à assumer sans animaux intégrés dans le design.

A lire aussi :  3 classiques de la permaculture pour l'abondance au jardin

Passer de l’import total à l’autoproduction, en gérant la fertilité

L’import actuel de la nourriture des campagnes pourrait être utilisée pour développer la productivité urbaine. En effet, en recyclant les déchets organiques (urines, fèces, déchets de cuisine) issus de cette importation, nous augmentons la quantité d’énergie dans notre écosystème. Il est possible d’implanter des systèmes agricoles jouissant de cette énergie importée, notamment tant qu’on peut profiter d’énergie fossile pour faciliter l’implantation de ces systèmes (jardins ouvriers, maraîchers bio-intensifs etc.). Ainsi, le rendement potentiel, la biodiversité, l’aggradation des sols, donc la diversité des services écosystémiques (bois, biomasse, matériaux, médicaments, bien-être, etc.) sont autant de paramètres qui feraient tendre nos villes vers la résilience, et l’indépendance aux aléas d’une société à gestion centralisée (ruptures d’approvisionnement principalement). En résumé, on pourrait parler de capitalisme local de l’énergie, en faveur de la soutenabilité.

Comment fertiliser à l’urine

Je n’aborderais pas ici tous les détails, qui seront traités dans un autre article ; mais basiquement, fertiliser à l’urine relève de la fertigation : diluer dans l’eau d’arrosage une certaine dose d’urine. Les recommandations varient du simple au double selon la source, le minimum que j’ai pu lire étant de 1 volume d’urine pour 8 à 20 volumes d’eau. Tout dépend de la culture, de la date de fertilisation, etc.

Voici une astuce simple empruntée à Renaud de Looze, auteur de « L’urine, de l’or liquide au jardin » : prenez un verre à bière de format « pinte » ; il fait 50 centilitres. Remplissez le d’urine, versez le dans le format d’arrosoir le plus habituel, 10 litres. Vous avez là un ratio de 1/20, que vous pouvez utiliser toutes les trois semaines environ. Arrosez vos plantes plutôt au début de leur pousse qu’à la fin, l’azote étant moins utile pour la fructification.

Les précautions à prendre

J’ai indiqué plus tôt que l’urine est stérile, et d’après diverses sources l’usage de l’urine n’est pas dangereux, notamment dans les pays à l’hygiène suffisante comme la France. Malgré tout, des « barrières » sont proposées pour assurer le coup :

Je vais parler ici de celles liées à l’utilisation de l’urine plutôt qu’aux méthodes agricoles et aux protections de santé :

  1. Séparez à la source l’urine et les fèces, car les pathogène se développent quand les deux sont mélangés. Les fèces partent dans un composteur attitré, l’urine dans des fûts, bidons, ou autre.
  2. Stockez l’urine un certain temps avant utilisation. Dans mon cas, je dispose d’un garage en sous-sol : il est constamment frais et obscur, j’ai la place d’y entreposer toute l’urine que je produis en hiver, pour la consommer le moment venu. De manière générale, attendre une semaine à un mois permet d’assurer.
  3. Arrêtez de fertiliser au moins un mois avant la récolte.

Conclusion

J’espère avoir pu vous convaincre : l’urine est une richesse, disponible partout, tout le temps. On peut l’utiliser pour assurer l’autonomie alimentaire des villes. De nombreux retours d’expériences confirment que les rendements doublent quand on l’utilise.

Concernant la récolte et la valorisation de l’urine, j’ai déjà publié d’autres articles que voici:

  • Ici pour une synthèse et la présentation de mon matériel
  • Ici pour un projet concret
  • Ici pour une astuce utile à ceux qui veulent moins se fatiguer et ont un bon réseau d’eau !

Retrouver tous les autres articles de #30JoursPourYPenser ci dessous :

Sources

  • « Conseils Pratiques pour une Utilisation de l’Urine en Production Agricole », Stockholm Environment Institute, EcoSanRes Series, 2009-1, ouvrage collectif. Publication téléchargeable depuis www.ecosanres.org
  • L’Urine, de l’or liquide au jardin – Guide pratique pour produire ses fruits et légumes en utilisant les urines et composts locaux, par Renaud de Looze, édition Terran, 2018
  • « Vivre avec la terre », de la ferme du Bec-Hellouin, par Charles et Perrine Hervé-Gruyé, Editions Acte Sud

2 Commentaires

  1. Renée

    Voilà quelques temps que j’ai mis ce moyen en pratique. J’avoue que le résultat est surprenant d’efficacité. Je ne consomme aucun médicament, simplement des compléments alimentaires que m’a prescrit mon Diététicien. Je me nourris de légumes crus et de saison, de même que pour les fruits. De temps en temps un peu de viande ou du poisson, ainsi que des oeufs. Je suis persuadée que mon urine ne sera jamais contre-indiquée pour pratiquer l’arrosage de mon petit jardin personnel. Et c’est très profitable. Je m’en félicite ! Bien à vous, au fait je suis née en 1940 ! faites le compte.

    Réponse
    • Yan Parent

      Bonjour Renée,

      Merci à vous d’indiquer cela : la médication et l’alimentation sont deux paramètres qui peuvent contre-indiquer l’usage de l’urine comme engrais. Tout cela reste à valider scientifiquement, mais principe de précaution oblige, c’est important de le rappeler régulièrement!

      Bien à vous

      Réponse

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